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Des gènes sous contrôle mécanique !

Le développement de l'embryon est coordonné par une cascade d'expressions de gènes dits de « patterning ». Certains d'entre eux contrôlent étroitement le développement de la morphologie physique de l'embryon. Mais existe-t-il un « contrôle qualité » qui certifie au génome qu'une forme nouvelle prise par l'embryon est correctement réalisée ? Le génome est-il capable de détecter que la forme qu'il est en charge de développer est atteinte pour pouvoir déclencher l'expression des gènes suivants de la cascade ? Ce sont les questions que se sont posées les biophysiciens de l'équipe « Mécanique et génétique du développement embryonnaire », dirigée par Emmanuel Farge (Inserm / Université Paris-VII).

Et ils ont obtenu récemment d'étonnants résultats. « Un tel contrôle peut exister si l'expression de certains gènes du développement est mécaniquement sensible à la forme de l'embryon », explique le chercheur. Encore fallait-il le prouver. Alors les scientifiques ont entrepris de déformer artificiellement des embryons de drosophile en les compressant entre lame et lamelle micro-manipulée. En réponse, ils ont constaté que le gène twist 4, qui ne s'exprime normalement que sur la partie ventrale, s'exprimait également tout autour de l'embryon et sur sa partie dorsale. Il était donc possible de reprogrammer le développement d'un embryon - autrement dit, de modifier l'expression de ses gènes de patterning - en le déformant mécaniquement.

Mais cette propriété s'exerce-t-elle naturellement au cours de l'embryogenèse ? Pour le savoir, les biophysiciens ont étudié les cellules d'une région particulière du pôle antérieur, destinée à former le tube gastrique. Ces cellules sont fortement comprimées par un mouvement d'extension des tissus ventraux lors de la gastrulation. Ils ont constaté que juste avant cette déformation, twist y est très faiblement exprimé alors que, une dizaine de minutes après, il l'est très fortement. Coïncidence ? Non, car chez un individu mutant qui ne développe pas ce mouvement d'extension, twist reste faiblement exprimé. Et si cette déformation est rétablie à l'aide d'une pointe micromanipulée, twist est de nouveau fortement exprimé.

Ainsi, les chercheurs ont pu montrer que la forte expression de twist était induite par une déformation des tissus. D'ores et déjà, ces travaux soulèvent deux enjeux particulièrement importants. Ils apportent un nouveau concept en biologie du développement en montrant que les processus impliqués ne seraient pas exclusivement contrôlés par les produits biochimiques de l'expression génique. Par ailleurs, comme les gènes du développement embryonnaire sont impliqués dans le processus de progression tumorale, l'induction mécanique des gènes constitue une nouvelle piste pour l'étude du développement des cancers.

CNRS

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