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Edito : Le gène, la protéine et l'atome : vers une théorie biophysique de la vie

Il ne fait plus de doute désormais que d'ici quelques courtes décennies, les scientifiques connaîtront de manière approfondie les fonctions et les interactions de la très grande majorité de nos gènes. Cette connaissance intime des clés du vivant permettra de lutter contre des maladies rares --mucoviscidose ou myopathie-- déclenchées par l'altération d'un gène unique puis, ultérieurement, de prévoir et de combattre d'autres maladies plus communes, mais multi-factorielles, comme le diabète, l'hypertension ou le cancer. "Nous en sommes seulement au début. Ce dont nous disposons aujourd'hui, c'est d'un plan détaillé de ce qui fait de nous des êtres humains. Il reste beaucoup à apprendre", reconnaît le généticien Robert Waterston, de l'Université de Washington, à Saint-Louis (Missouri). Après avoir transcris le livre de la vie, les scientifiques vont maintenant devoir annoter tous les chapitres de ce livre puis en établir l'index et la table des matières, un travail qui demandera encore plusieurs années d'effort. Ensuite, les chercheurs devront identifier et localiser sur le long ruban d'ADN les quelque 38.000 gènes qui contiennent les instructions nécessaires à la vie. On dispose désormais du texte mais il reste à le traduire en langage signifiant ce qui représente un travail colossal qui dépasse largement les frontières de la génétique. Pour Francis Collins, patron de l'Institut national (américain) de recherche sur le génome humain (NHGRI), cette révolution scientifique s'apparente au premier pas de l'Homme sur la Lune, si ce n'est en plus important. "Au cours des dix dernières années, depuis que le Projet du génome humain a démarré, nous avons assisté à la découverte d'une centaine de gènes à l'origine d'anomalies, comme la surdité ou le cancer du rein. Contrairement à la conquête de la lune, on n'a pas à attendre d'y aller pour y explorer le sol. C'est un projet qui porte ses fruits dès le premier jour", conclut-il. Il reste que cette connaissance et cette maîtrise accrues du génome humain vont avoir des conséquences économiques, sociales et morales considérables en assurant le triomphe d'une médecine individualisée et prédictive. Comment l'individu, la famille et la société résisteront au pouvoir extraordinairement attractif d'orientation et de sélection et finalement "d'amélioration"génétique ? Cette question incontournable sera au coeur des enjeux politiques et du pacte social et démocratique du prochain siècle. Mais après le décodage du génome humain, les scientifiques vont s'atteler à une tâche tout aussi colossale et qui constitue l'un des mystères fondamentaux de la biologie : le secret des protéines humaines. Il s'agit en effet de comprendre pourquoi les protéines créées par l'organisme à partir des instructions contenues dans les gènes, prennent une forme spécifique selon leur fonction. En effet, c'est son aspect tridimensionnel qui confère à chaque famille de protéines ses propriétés biologiques particulières. Ainsi, parallèlement à la génomique qui essaye de traduire sous forme thérapeutique notre connaissance du génome, de nouvelles disciplines, telles que la "protéomique" (étude des protéines) et la "génomique structurale" sont actuellement en plein essor. Les scientifiques savent désormais que c'est dans les protéines que se trouve la clé des thérapies du futur car ces protéines remplissent de multiples fonctions biologiques essentielles, de la digestion au transport de molécules en passant par la défense immunitaire et la production d'énergie. Une anomalie dans un gène peut entraîner un défaut dans une protéine ou sa mauvaise activation. Si une protéine est ainsi déformée, elle ne peut plus remplir sa fonction de la même manière qu'une clé tordue ne rentre plus dans sa serrure. Plutôt que de remplacer un gène défectueux, il serait avantageux dans de nombreux cas de simplement remplacer une protéine déficiente ou de modifier son comportement, par exemple en bloquant son activité. Les Instituts nationaux américains de la Santé (NIH) vont lancer à l'automne, en collaboration avec neuf pays, un programme fédéral de génomique structurale d'un montant très important, destiné à dresser un catalogue des formes de chaque famille de protéines à l'aide de la cristallographie aux rayons X et la résonance magnétique nucléaire (RMN). Quant à Celera Genomics, la société américaine qui, en parallèle mais aussi en compétition avec les instituts américains de recherche académique, vient de réaliser le décryptage du génome humain, elle va se lancer elle aussi cette année dans le séquençage des protéines. Le projet d'IBM est plus ambitieux encore. Le géant de l'informatique va construire pour 2004 l'ordinateur le plus puissant du monde, Blue Gene (gène bleu), doté d'une capacité d'un million de milliards d'opérations à la seconde. Le but : modéliser les mouvements des dizaines de milliers d'atomes au sein d'une protéine en train de se plier. Un problème de chimie moléculaire qui exigerait, avec les moyens actuels, 300 ans de calculs. Blue Gene ne mettra qu'un an pour analyser le pliage d'une seule protéine, affirme Sharon Nunes, directrice des technologies émergentes chez IBM. Au-delà du décodage de notre génome se profile donc, dans le prolongement de la biologie moléculaire, l'avènement d'une nouvelle approche atomique de la biologie qui, dans le domaine de l'infiniment petit, ouvre de fascinantes perspectives de dialogues interdisciplinaires et conceptuels entre les sphères de la vie et de la matière.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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  • biophmed

    3/12/2014

    je cherche à savoir plus sur la biophysique du cancer

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