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La France se lance dans la séquestration du carbone

Le gaz carbonique étant le gaz à abattre, pourquoi ne pas l'enterrer profondément ? Délire scientifique digne d'un docteur Folamour ? Pas vraiment. Depuis 14 ans, Statoil, la compagnie pétrolière norvégienne injecte, chaque année, un million de tonne du dioxyde de carbone que produit l'un de ses gisements offshore de gaz naturel.

Plus proche de nous, Total mène, depuis quelques mois, une expérience somme toute comparable. Sur son site historique de Lacq, le pétrogazier français capte le CO2 émis par une chaudière à oxy-combustion (dont la combustion est dopée à l'oxygène), le sèche, le comprime, le transporte par gazoduc pour l'injecter dans un gisement de gaz déplété. Un peu partout dans le monde des expériences similaires sont menées à bien.

En Algérie, BP et Statoil renvoient les molécules de CO2 dans les culs de basse fosse géologiques. Même chose à Weyburn, au Canada, où le gaz carbonique produit par une usine américaine de gazéification est injecté dans des puits pétroliers ; ce qui permet tout à la fois de se débarrasser du gaz à effet de serre tout en accroissant la production d'or noir.

Pour certaines industries lourdes, la capture et la séquestration géologique du carbone sont la solution pour alléger leur empreinte carbone. Dans un rapport spécial, publié en 2007, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) estime que 15 % à 20 % des émissions industrielles de CO2 pourraient être ainsi traitées d'ici 2050. On en est encore loin.

Raison pour laquelle les Etats développés, les instituts de recherches et les entreprises concernées se lancent dans une course effrénée aux technologies et au savoir-faire. Dans le monde, 141 projets sont actuellement en cours de développement.

En Europe, la Commission soutient la construction d'une petite dizaine de centrales électriques équipées d'un système de capture (ou captage) de gaz carbonique. Hélas, la technologie reste très coûteuse. D'autre part, le système complet est très volumineux et peut occuper un volume presque égal à celui de l'installation. Ce qui exclut de facto toute centrale ou usine urbaine ou ne disposant pas de réserve foncière.

Même si l'essentiel de son électricité est décarbonée (grâce aux énergies nucléaire et hydraulique) la France s'intéresse, elle aussi, à cette technologie émergeante. Mardi, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (Ademe) a annoncé vouloir consacrer 45 millions d'euros au co-financement de trois expérimentations.

Mené par EDF, le projet C2A2 vise à tester, sur l'une des chaudières de la centrale au charbon du Havre, un système de captage de gaz carbonique. Utilisant les amines (fournis par Dow Cheminal) comme solvants, ce dispositif pourra extraire, dès 2013, une tonne de CO2 par heure (et pas plus de 5.000t/an) des effluents gazeux de la centrale. Rien n'étant prévu pour « séquestrer » le CO2, il sera évacué « dans la cheminée ». Coût total de ces quatre ans de tests : 22 millions d'euros, dont 25 % financé par l'Ademe.

Chez les géologues, il est de bon ton d'affirmer que les aquifères salins sont l'une des meilleures structures géologiques pour conserver longuement de grandes quantités de CO2. Problème, on connaît mal ces roches poreuses gorgées d'eau salée. D'où l'intérêt du second projet. Mené par un consortium de six groupes (Air Liquide, EDF, GDF Suez, Lafarge, Total et Vallourec), France Nord doit déterminer les zones les plus propices du nord de l'Hexagone pour injecter du gaz carbonique.

Pendant deux ans, les sous-sols du Centre, de la Haute-Normandie, de la Bourgogne, de Champagne-Ardenne, de la Picardie et de l'Île-de-France seront auscultés avant qu'un site de stockage soit proposé. Dans un second temps, les chercheurs devront trouver des sites industriels susceptibles de se soulager dans ce puits de carbone. Coût du projet : 54 millions d'euros, dont 40 % réglés par l'Ademe.

Les électriciens ne sont pas les seuls à vouloir se débarrasser de leur CO2 encombrant. Depuis de longues années, Arcelor (devenu ArcelorMittal) conçoit un nouveau type de four sidérurgique, à moindres émissions de CO2. Un démonstrateur industriel, utilisant cette technologie Ulcos, sera mis en oeuvre sur le site lorrain du groupe, à Florange. Cette installation sera en outre dotée d'un système de captage. Collecté, le gaz carbonique sera ensuite transporté par pipeline vers un site d'injection. Le projet devrait être opérationnel vers 2016. L'Ademe devra lui octroyer environ 18 millions d'euros, soit 3,6 % du montant total de l'opération.

JDE

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