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Edito : La France ne doit pas prendre de retard dans la recherche sur les cellules-souches

Les Académies des Sciences et de Médecine ont rendu public le 21 juin un avis favorable à l'utilisation de cellules-souches humaines et se sont dites "inquiètes du blocage des recherches en France dans ce domaine". Les deux institutions jugent nécessaire que ces recherches puissent se développer en France, en respectant les dispositions légales concernant les dons de cellules, de tissus, et d'organes. Elles considèrent aussi qu'il est impératif de comparer par des études expérimentales les différents types de cellules-souches - d'origine embryonnaire, en provenance d'organismes adultes, ou obtenues par transfert nucléaire (clonage) - et d'apprécier leurs capacités respectives en vue de leurs applications thérapeutiques. Ces recherches, soulignent les Académies, doivent - compte tenu de la complexité des enjeux de ces recherches notamment sur les plans éthique, juridique, scientifique et de l'industrie -, être réalisées dans des conditions strictes d'encadrement, sous le contrôle de la puissance publique. Les Académies des Sciences et de Médecine rappellent enfin leur opposition formelle à tout clonage reproductif d'êtres humains, et à toute réimplantation, même temporaire, des tas de cellules embryonnaires (blastocystes) obtenus après transfert nucléaire. Pour tenter de contourner l'interdiction instaurée par les lois de bioéthique, l'ancien ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg avait autorisé le 3 mai l'importation de lignées de cellules-souches embryonnaires déjà existantes. Cette mesure avait été recommandée par une pétition de scientifiques français - dont quatre prix Nobel - puis par un collège d'experts. Le 22 janvier, l'Assemblée nationale avait adopté en première lecture un projet de loi relatif à la bioéthique autorisant notamment les recherches sur les cellules-souches d'embryons surnuméraires. Mais ce parcours législatif ne devrait pas déboucher avant 2003, ce qui inquiète le Pr Claude Sureau, de l'Académie de Médecine, qui craint que la France ne prenne un retard difficile à rattraper dans ce domaine d'avenir. Il faudra en effet une première lecture au Sénat, puis une deuxième lecture du texte par les deux assemblées et, enfin, le passage des décrets d'application, un processus qui ne devrait pas être achevé avant cette date. Ces avis favorables des Académies des Sciences et de Médecine concernant la recherche encadrée sur les cellules-souches, et excluant clairement tout clonage reproductif, surviennent, et ce n'est sans doute pas un hasard, le lendemain d'une publication scientifique importante sur les cellules-souches dans la prestigieuse revue "Nature" du 20 juin. Dans cette publication, deux équipes de chercheurs américains viennent de confirmer les immenses potentialités de la médecine réparatrice (voir article dans la rubrique biologie de notre lettre 201 http://www.tregouet.org/lettre/index.html), et montrent que les cellules-souches - adultes ou embryonnaires - pourraient, un jour, servir de stocks de pièces détachées inépuisables pour remplacer des organes ou des tissus défaillants. La première équipe démontre que des cellules-souches adultes peuvent être aussi souples d'utilisation que celles d'origine embryonnaire. Des chercheurs du Stem Cell Institute de l'Université du Minnesota, dirigés par Catherine Verfaillie ont obtenu in vivo et in vitro, à partir de cellules-souches de la moelle osseuse de souris, des cellules correspondant aux trois couches formant l'embryon dans les premiers stades de son développement : le mésoderme (moyen), l'ectoderme (externe), qui donnera ensuite l'épiderme et le système nerveux, et l'endoderme (interne), qui donnera le tube digestif et les organes associés. Ces cellules de la moelle osseuse, baptisées MAPCs par les chercheurs (pour multipotent adult progenitor cells), auraient donc un potentiel énorme pour la thérapie cellulaire. La seconde équipe a montré, pour sa part, que des cellules-souches embryonnaires peuvent donner naissance, chez des rats, à de nouveaux neurones permettant de corriger les effets de la maladie de Parkinson. Cette accélération de découvertes de plus en plus prometteuses en matière de potentialités réparatrices des cellules-souches vient donc confirmer les craintes exprimées par la pétition de scientifiques français, dont quatre prix Nobel, qui réclamaient un cadre législatif et juridique cohérent permettant à la France de développer ses recherches dans ce domaine absolument capital pour l'avenir. Les chercheurs français craignent en effet que l'avance prise, notamment par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, dans le domaine de la médecine réparatrice à partir de cellules-souches, ne puisse plus être comblée. Face à cette situation et aux enjeux scientifiques, médicaux, industriels et économiques considérables de ces recherches, il faut que nos responsables politiques et nos parlementaires prennent conscience de la nécessité de fixer rapidement un cadre législatif et réglementaire souple et évolutif qui permette enfin à nos chercheurs de poursuivre ces recherches sur les cellules-souches dans les meilleures conditions, avec bien entendu toute la clarté et les précautions éthiques qui s'imposent dans un tel domaine. Face à l'accélération sans précédent de la recherche dans ce domaine de la biologie qui va révolutionner la médecine, nous devons savoir être plus réactifs et adapter nos processus de décisions et nos outils d'évaluation et de contrôle. Si nous ne prenons pas conscience de cette urgence, nous risquons tout simplement de manquer une des révolutions scientifiques et médicales majeures de ce siècle.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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