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Edito : Et si demain les robots payaient nos retraites...

Pendant ces six prochains mois, chacun d'entre nous, qu'il soit jeune ou moins jeune, va penser à sa retraite. Si pendant ces prochaines années la situation n'est pas encore fortement préoccupante, il n'en sera plus de même à partir de 2006 à cause du Papy-boom et du Baby-crash comme le dit Michel Godet (1). Au-delà des approches conventionnelles qui seront examinées par le Parlement dans ces prochains mois, il est nécessaire d'imaginer ce que pourrait être le travail dans les 40 ou 50 ans, quand le jeune, âgé aujourd'hui de 20 ans, qui vient de commencer son parcours professionnel, le quittera pour prendre sa retraite. La classification de Robert B. Reich (2) sera alors devenue particulièrement pertinente. L'activité humaine ne sera plus alors séparée en 3 secteurs (primaire secondaire et tertiaire), comme nous avons pris l'habitude de la classer depuis un siècle, mais s'exercera au sein de 3 familles bien identifiées (1/Les travailleurs routiniers 2/ Les services à la personne et (ou) à la nature 3/ Les enrichisseurs de signes). La première famille, celle des travailleurs routiniers, qui comprend aujourd'hui aussi bien les ouvriers, les employés et tous ceux qui font des travaux répétitifs, aura presque totalement disparu de nos pays dits développés dans les 50 ans qui viennent. Soit leurs usines de production avec leurs chaînes auront été délocalisées sous d'autres cieux, soit ils auront été remplacés par des robots. Par contre, la famille des services à la personne et (ou) à la nature sera devenue, de loin, la plus nombreuse. En effet, en raison du vieillissement de nos populations, les besoins en aides ménagères et en infirmières, par exemple, vont croître très rapidement. De plus, les travaux réalisés par les membres de cette famille, que ce soit la coiffure, la restauration ou la médecine, par exemple, seront parmi les activités humaines les plus difficilement automatisables. La troisième famille, celle des enrichisseurs de signes, est celle qui déterminera le rang de la France dans le concert des Nations. En effet, ce classement mondial ne dépendra plus essentiellement de nos capacités de production de biens matériels comme cela l'est encore de nos jours, ni même du nombre de consommateurs, mais bien plus du nombre de Français qui auront la capacité d'ajouter du savoir à un signal. Ce sont eux qui permettront à la France d'entrer dans la compétition universelle de l'économie du savoir. C'est pourquoi notre Nation, si elle veut s'inscrire avec force dans le Futur et offrir un avenir à nos enfants, doit réserver l'essentiel de ses capacités à la formation et à l'acquisition des savoirs. Cette nouvelle organisation de notre Société met en évidence qu'il serait inéquitable d'asseoir les retraites sur les seuls salaires comme elles le sont actuellement. En effet, le travailleur routinier, en première ligne dans la compétition mondiale, ne percevra toujours qu'un faible salaire compatible avec une concurrence internationale exacerbée, alors que chacun d'entre eux, surveillant ou alimentant un nombre de robots de plus en plus grand, initiera la production d'un nombre de produits toujours grandissant. L'enrichisseur de signes, qu'il soit chercheur, ingénieur, architecte ou publiciste, sera à l'origine d'une création toujours plus importante de valeur ajoutée. Aussi, son seul salaire, même s'il est nettement plus élevé que celui du travailleur routinier n'est pas un reflet réaliste de la véritable richesse qu'il apporte à notre Nation. Par contre, celui qui passera sa vie au service des autres, qu'il soit aide-soignant, serveur de restaurant, employé de maison ou médecin, ne pourra pas constater que la valeur ajoutée qu'il génère croît avec la même célérité que celle des travailleurs routiniers ou des enrichisseurs de signes. Et cela parce qu'il faudra toujours autant de temps pour faire un pansement, servir un repas ou examiner un malade. C'est pourquoi je pense qu'il serait bien dans nos Nations modernes, que les retraites ne s'appuient plus sur la masse salariale, mais sur la valeur ajoutée. Ce serait une approche nouvelle qui, en raison de la démographie, serait réconfortante, et plus équitable, car à l'encontre du rapport actifs/retraités qui, inévitablement se détériorera dans les décennies qui viennent, celui de valeur ajoutée/retraités devrait continuer à s'améliorer dans l'avenir. En effet, avec le modèle actuel de calcul des retraites, un chef d'entreprise qui ne serait pas salarié et qui ferait fabriquer tous ses produits par des robots (cela existe déjà !) ne participerait pas, même pour un franc, à l'effort nécessaire à accomplir, en faveur des retraités, puisqu'il ne verserait aucun salaire, alors qu'il générerait un Chiffre d'Affaires de plusieurs millions d'euros. Il nous faut ainsi reposer les postulats sur lesquels s'est calée la solidarité nationale, il y a déjà plus d'un demi-siècle. Je suis convaincu que les Français n'auraient pas honte et seraient même heureux d'apprendre que des milliers de robots travailleraient jour et nuit pour apporter plus de richesse à notre Pays et améliorer ainsi leur retraite sans demander un effort de plus en plus important à des enfants malheureusement toujours moins nombreux.

René TREGOUET

(1) 2006, Le grand tournant

(2) L'économie mondialisée de Robert B. Reich

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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