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Effacer la mémoire de la douleur

La douleur est une expérience désagréable, mais si elle dure – on parle de douleur chronique si elle persiste plus de trois mois –, elle peut devenir insupportable et avoir des conséquences graves, telles que l'anxiété, voire la dépression. Sept millions de Français souffrent de douleurs chroniques depuis en moyenne plus de cinq ans, et les traitements sont rarement efficaces. Les travaux d'André Laferrière, de l'Université McGill à Montréal, et ses collègues sont porteurs d'espoir : ces chercheurs ont montré chez le rat qu'en inhibant une molécule nommée PKM?, essentielle à la mémoire de la douleur, ils éteignent la douleur chronique.

Lors d'une blessure, par exemple, les nerfs transmettent au système nerveux central – le cerveau et la moelle épinière – des informations dites nociceptives, et ces centres cérébraux supérieurs déclenchent alors des réactions de protection et de réparation. Mais parfois, l'activation de ces centres cérébraux  – et donc la sensation douloureuse – persistent alors que la stimulation nociceptive a disparu. Pourquoi ? Notamment parce que la douleur modifie la force des connexions entre neurones dans certaines régions du système nerveux central, en particulier la corne dorsale de la moelle épinière, là où arrivent les fibres nerveuses périphériques. Une « mémoire » de la douleur s'inscrit dans ces neurones via un mécanisme de plasticité neuronale nommé potentialisation à long terme : plus la connexion entre deux neurones est stimulée, plus elle se renforce et plus elle reste active sur le long terme ou est facilement activée lors d'une stimulation ultérieure. C'est cette mémoire de la douleur que les neurobiologistes canadiens ont cherché à éteindre.

On sait notamment que les protéines kinases C (PKC) participent à la plasticité nociceptive – le renforcement des connexions entre neurones impliqués dans la douleur – dans la corne dorsale de la moelle épinière. Et il existe plusieurs « isoformes » (ou configurations) de la PKC, mais seule l'une d'entre elles, nommée PKM?, est impliquée dans le mécanisme de potentialisation à long terme, et donc de mémoire synaptique, dans la corne dorsale de la moelle épinière.

Les neurobiologistes ont blessé des rats en leur injectant dans la peau des substances qui excitent les fibres nociceptives et provoquent des douleurs prolongées, telle la capsaïcine. Ils ont alors constaté que la production de PKM? est augmentée dans les neurones de la corne dorsale de la moelle épinière. Et s'ils bloquent cette production avec un inhibiteur spécifique de PKM?, la plasticité nociceptive disparaît, ainsi que la douleur. En outre, dans un autre modèle animal de douleur chronique, où les rats subissent une lésion du nerf sciatique, l'inhibition de PKM? abolit aussi la douleur chronique, qui persiste normalement trois semaines après la blessure. Cette molécule est donc nécessaire à la mémoire de la douleur, et l'inhiber suffirait à éteindre des douleurs persistantes. C'est une cible thérapeutique potentielle pour le développement de nouvelles générations d'antidouleurs.

Pour La Science

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  • allen

    26/03/2014

    bravo c est bien mais il vous manque des photos

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