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Edito : Editorial : Ecole : pourquoi ne savons-nous pas relever le vrai défi ?

Le rapport Thélot qui clôt le « grand débat national » qui fut organisé à la fin de l'année dernière lors de 26.000 réunions qui se sont tenues dans la plupart des communes de France et qui a réuni plus de 1 million de personnes accouche d'une souris. Comme c'est dommage ! Dans ce rapport, il est rappelé qu'en sortant de l'école primaire l'enfant doit savoir lire, écrire et compter. Quel terrible constat d'échec : ce sont précisément les missions que Jules Ferry avait confiées à tous les instituteurs de France il y a plus d'un siècle. Bien que le nombre d'enseignants ait été augmenté de façon considérable depuis cette époque et qu'il y ait, aujourd'hui, beaucoup moins d'enfants dans chaque classe devant le « professeur des écoles » que devant le « hussard de la République » du 19e siècle, notre Pays compte toujours un très grand nombre d'illettrés. Comme c'est triste !

Certes, pour moderniser l'image de l'école, la Commission Thélot ajoute l'anglais et l'informatique au socle fondamental de Jules Ferry. Mais en quoi serait armé, pour affronter la vie, un enfant qui saurait se servir d'un ordinateur mais qui ne saurait ni lire, ni écrire, ni compter ! Et c'est là que nous arrivons au terrible dilemme de notre époque. Je me souviendrai toute ma vie de ce que m'a dit un jour Michel Serres, pédagogue connu dans le monde entier, alors que nous siégions ensemble au Conseil de la Cinquième : « La Chaîne de l'Accès au Savoir ». Savez-vous, me disait-il, qu'un enfant de 10 ans a dorénavant plus appris devant la télévision et l'ordinateur qu'il n'a appris à l'école ? Mais savez-vous aussi qu'à ce jeune âge il aura déjà vu plus de 10.000 crimes à la télévision et qu'il aura « tué » des dizaines de milliers d'adversaires sur sa console de jeux ?

Depuis Jean Piaget, les meilleurs spécialistes mondiaux nous affirment que les dix premières années dans la vie d'un être humain sont les plus essentielles pour l'acquisition des savoirs qui, ensuite, étaieront toute une existence. A sa naissance, l'enfant est comparable à une éponge qui n'aurait jamais aspiré le moindre liquide et qui serait avide de se gorger de tout ce qui l'entoure. Or, de plus en plus, dans nos sociétés modernes, les jeunes enfants poussent comme des herbes folles sur des terrains laissés en jachère. Les parents travaillant souvent l'un et l'autre, souvent séparés aussi, l'enfant est trop souvent abandonné à lui-même. La famille étant, malheureusement, très souvent défaillante, les deux « outils » essentiels qui forgent le cerveau de beaucoup d'enfants sont, d'une part, l'Ecole et, de l'autre, l'Image « incontrôlée » arrivant par la télévision, l'ordinateur ou la console de jeux.

Dans une telle compétition, l'Ecole sera systématiquement perdante face aux technologies modernes si l'ensemble du Peuple de France ne décide pas de réformer fondamentalement cette Ecole. Depuis des années et des années, je fais régulièrement le même rêve dans ces éditoriaux de la Lettre @RT-Flash. Imaginez « Toto » âgé de 8 ans qui, un midi, rentre à la maison pour manger avec sa maman et lui dit ceci : « Tu sais, maman, c'est chouette. L'image dont se sert mon maître à l'école pour me faire découvrir le monde est plus belle que celle de ma X-Box ». Si un jour ce rêve devenait réalité, le destin de nos enfants en serait profondément modifié.

Avons-nous bien conscience que dans une école primaire, les instituteurs n'ont encore souvent qu'un tableau, une craie (ou un marker) et leur propre parole pour retenir l'attention des enfants ? Le jeu est trop inégal et si nous n'y prêtons pas garde, nous allons laisser, de façon insidieuse, des sociétés privées dont le but est de faire des affaires et non pas « éduquer, instruire, intégrer et promouvoir » s'emparer du cerveau de nos enfants. C'est en ces termes qu'il nous faut avoir le courage de poser le terrible défi que notre Pays doit relever.

Aussi, chacun comprendra que l' « eau tiède » qui ressort du rapport Thélot ne répond pas aux questions fondamentales que tous ensemble nous devons nous poser...

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de prospective du Sénat

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