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Edito : Edito : Gènes et environnement : un couple indissociable et interdépendant

Depuis la découverte de la structure de l'ADN il y a 55 ans, un débat permanent agite la communauté scientifique pour savoir quelle est la part respective du capital génétique propre à chaque individu et de l'environnement en matière de longévité et dans le déclenchement des grandes pathologies, cancers, maladies cardio-vasculaires, maladies neurodégénératives.

Des chercheurs américains viennent de montrer que le génome de chaque individu change dans le courant de la vie sous l'effet de facteurs environnementaux ou alimentaires, ce qui expliquerait l'émergence de maladies comme le cancer avec le vieillissement.

Des chercheurs de l'université Johns Hopkins (Maryland, est) ont découvert que les marques épigénétiques sur l'ADN (autres que la séquence elle-même) se modifient au cours de la vie d'une personne et l'ampleur des changements est similaire parmi les membres d'une même famille(JAMA).

L'épigénétique regroupe l'étude des mécanismes permettant aux cellules de maintenir l'intégrité de leur génome. "Nous commençons à voir que l'épigénétique est au coeur de la médecine moderne car les changements épigénétiques, à la différence de la séquence d'ADN qui est la même dans chaque cellule, peuvent se produire sous l'effet du régime alimentaire ou de l'exposition à des facteurs environnementaux", souligne le Docteur Andrew Feinberg, professeur de biologie moléculaire et de génétique à la faculté de médecine de l'Université Johns Hopkins.

"L'épigénétique pourrait bien jouer un rôle dans des maladies comme le diabète, l'autisme et le cancer", ajoute-t-il. Ces chercheurs ont analysé des échantillons d'ADN provenant de quelque 600 personnes ayant participé à l'étude sur le coeur dite de Reykjavik. Les participants ont fourni des échantillons d'ADN en 1991, et de nouveau entre 2002 et 2005. Ces généticiens ont mesuré les variations totales de méthylation, qui est la principale modification épigénétique (donc réversible) de l'ADN, dans 111 de ces échantillons.

Ils ont comparé la méthylation de ces personnes entre 2002 et 2005 à celle des échantillons collectés en 1991. Ces chercheurs ont découvert que dans quasiment un tiers des cas, la méthylation avait changé pendant cette période de onze ans. "Nous avons constaté un changement notable au cours du temps qui selon nous prouve que l'épigénétique d'un individu change avec l'âge", explique le Docteur Daniele Fallin, professeur associé d'épidémiologie à la faculté de médecine Johns Hopkins. Ces changements épigénétiques pourraient aussi être héréditaires, ce qui expliquerait pourquoi des familles sont plus touchées que d'autres par certaines maladies, poursuit-elle.

Une autre récente étude, réalisée par l'Université de San Francisco, vient de montrer qu'une modification du mode de vie comprenant un changement d'alimentation et la pratique régulière d'exercices physiques pouvait avoir, au bout de quelques mois, un impact sensible et très positif en ralentissant ou inhibant l'expression d'une multitude de gènes, dont certains (RAN et Shoc2) sont fortement impliqués dans le déclenchement de plusieurs types de cancers, colon sein et prostate notamment (PNAS).

Ces récentes études sont remarquables car elles confirment que, pour un même individu, les modes d'expression des gènes varient sensiblement dans le temps sous l'effet d'une multitude de facteurs environnementaux. Avec l'arrivée, d'ici 5 ans de puces à ADN permettant pour quelques centaines d'euros, d'établir un profil génétique individuel, la médecine sera bientôt en mesure de prévenir de manière très efficace et personnalisée, les risques d'un grand nombre de maladies en agissant directement sur les facteurs environnementaux pour modifier sélectivement l'expression des gènes impliqués dans ces pathologies. Il s'agit là d'une véritable révolution conceptuelle qui aura des conséquences majeures sur notre santé et, plus largement, sur notre société toute entière.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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