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Un échafaudage de molécules biologiques pour fabriquer des nanotubes de verre

Les squelettes des vertébrés constituent sans doute l'exemple le plus saisissant de l'efficacité des organismes vivants à former des structures robustes mêlant intimement matière organique et minérale, en l'occurrence du phosphate de calcium. Pourtant, dans le monde sous-marin, de nombreux organismes, souvent unicellulaires, réussissent une prouesse similaire en utilisant la silice pour fabriquer des carapaces et des épines afin de se protéger ou encore des spicules, fibres qui captent la lumière vers leurs neurones aussi bien que les meilleures fibres optiques. D'architecture et de forme complexes, ces structures naturelles sont d'autant plus étonnantes qu'elles se fabriquent spontanément dans l'eau dans des conditions douces de température et de pression suivant des mécanismes encore largement inconnus. Ce tour de force fait donc rêver les chimistes qui sont souvent obligés de chauffer, tirer ou comprimer les matériaux dans des conditions agressives pour les mettre en forme.

Dans le cadre de leurs études sur la physico-chimie d'un peptide thérapeutique, le lanreotide, des chercheurs du CNRS et de l'Université de Rennes ont découvert que ce peptide pouvait servir d'échafaudage à la formation spontanée de nanotubes de silice par simple mélange avec un précurseur de silice dans l'eau. Ces tubes hybrides sont formés d'un agencement hélicoïdal parfait de molécules du médicament en un tube de 24 nm de diamètre recouvert à l'intérieur et à l'extérieur de deux parois fines et uniformes de 2 nm de silice. Les tubes sont longs de plusieurs micromètres et s'alignent en fibres de quelques millimètres. Leur organisation est ainsi hiérarchiquement maîtrisée sur plus de 6 ordres de grandeur, soit le même rapport de longueur que le diamètre d'un cheveu et la hauteur de la tour Eiffel.

Pour réaliser ce travail d'orfèvre, l'équipe de chercheurs composée de physiciens, de biologistes et de chimistes, a mis au point une technique lente permettant d'enrober de silice des nanotubes de molécules biologiques qui se forment dans l'eau. Ils ont eu la surprise d'observer que le dépôt de silice favorise l'extension progressive du nanotube organique dont l'extrémité renouvelée peut alors servir à nouveau d'échafaudage à la suite du dépôt de silice. Ce procédé récurrent assure à la fois la maîtrise de l'organisation à l'échelle moléculaire tout en fabriquant l'échafaudage organique au fur et à mesure que le minéral se dépose. Ce procédé ressemble étonnamment à la construction d'un gratte-ciel au cours de laquelle le montage de l'armature métallique et le dépôt de béton s'alternent avec précision, sauf qu'il n'y a pas d'ouvrier et que les nanotubes de silice sont infiniment plus petits...

Ces travaux ouvrent deux perspectives nouvelles. D'une part, ils permettent de mieux comprendre à partir d'un système simplifié quelques mécanismes astucieux, mais encore mystérieux, développés par la nature, pour fabriquer des squelettes, et des spicules. D'autre part, ils ouvrent la voie vers de nouveaux matériaux aux dimensions nanométriques dont l'organisation dans l'espace est maîtrisée jusqu'à des tailles macroscopiques, leur conférant ainsi des propriétés uniques.

CNRS

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