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Edito : Le dossier médical partagé et la carte Vitale 2 vont faire entrer notre système de santé dans l'ère numérique

Plus de 30.000 dossiers médicaux personnels (DMP) ont été ouverts depuis juin dans 17 sites pilotes dans lesquels cet outil informatique est expérimenté jusqu'à la fin de l'année, a annoncé le groupement d'intérêt public (GIP) chargé de le mettre en place. Quelque 31.783 dossiers ont été ouverts dans les 17 "sites pionniers" qui doivent poursuivre leurs expérimentations jusqu'à fin décembre 2006, a annoncé le GIP-DMP dans un communiqué.

La loi du 13 août 2004 réformant l'assurance maladie prévoit une généralisation du dossier médical personnel à partir de juillet 2007. Ce dossier centralisera pour chaque patient toutes les informations médicales le concernant. Cet outil informatique destiné notamment à éviter les actes redondants est censé générer des économies pour l'assurance maladie, dont le déficit s'élève à 8 milliards d'euros en 2006.

Le difficultés actuelles de mise en place de ce DMP n'ont rien étonnant, compte tenu de la complexité de gestion mais elles ne doivent pas conduire à remettre en cause le principe et les finalités du dossier médical informatisé. Celui-ci permettra en effet aux professionnels de santé de disposer d'une information plus complète pour élaborer leur diagnostic, les examens redondants seront réduits, les résultats des analyses seront connus plus rapidement.

Le DMP contiendra six parties : un volet "identification" avec les coordonnées du patient ; un volet "données générales" portant sur ses antécédents, allergies et intolérances ; un volet "soins" avec les pathologies actuelles, les comptes rendus médicaux et les prescriptions médicamenteuses ; un volet "images" avec les radios et les photos médicales ; un volet "prévention" avec les actions de dépistage entreprises ; un volet "espace personnel", enfin, où le patient pourra librement s'exprimer.

Un portail internet géré par la Caisse des dépôts devrait permettre dès juillet 2007 à chaque Français d'ouvrir son DMP mais ce dernier devra surmonter encore bien des difficultés avant de devenir un instrument d'usage courant. Il faudra d'abord convaincre les médecins de ville et les établissements de santé d'adopter ce nouvel outil dans leurs pratiques de tous les jours. A peine la moitié des médecins libéraux et 20 à 25 % des hôpitaux publics disposent d'un dossier patient électronique, selon un rapport du sénateur Jean-Jacques Jégou. "Dans les hôpitaux, la plupart des services sont informatisés, donc il suffit de trouver un moyen de transférer chacune de ces informations sur le DMP, assure Jacques Sauret, le directeur du groupement d'intérêt public du DMP (GIP-DMP). Du côté des médecins de ville, en revanche, il est vrai qu'un réel effort de pédagogie et de communication sera nécessaire." Un challenge d'autant plus difficile que les logiciels médicaux sont très nombreux et que faire en sorte que tous soient compatibles avec le DMP ne sera pas une mince affaire.

Plus généralement, quatre interrogations majeures demeurent, à quelques mois de la mise en place prévue du DMP. S'agissant de la confidentialité et de la sécurisation des données d'abord, un décret doit encore être publié et un colloque sur les questions éthiques est prévu début décembre par le ministère. Certains médecins s'inquiètent en particulier de la possibilité donnée aux patients de masquer certaines informations de leur dossier et des effets qu'une telle démarche pourrait entraîner sur les diagnostics. Des associations craignent par ailleurs que les informations de santé tombent dans de mauvaises mains. Sur ce point capital, le ministre s'est voulu le plus rassurant possible. "Le DMP présente toutes les conditions optimales de sécurisation et de respect du secret médical et de la vie privée", a-t-il déclaré, avant d'ajouter que ce dossier ne sera pas consultable par les médecins du travail ou les organismes chargés des contrats complémentaires de santé.

Le ministère de la Santé a également annoncé en septembre qu'il allait lancer, de manière complémentaire au DMP, la nouvelle carte Vitale. La carte Vitale 2 servira de clé d'entrée au DMP pour les médecins de ville et des hôpitaux. Elle sera peu à peu distribuée aux Français à partir de novembre 2006 et chaque assuré devrait posséder la sienne d'ici quatre ans. Pour recevoir la nouvelle carte, les assurés n'auront qu'à renvoyer un formulaire prérempli en y joignant une photo et une photocopie de leur carte d'identité.

Plus sécurisée, la nouvelle carte contiendra "les mécanismes de cryptographie nécessaires pour les fonctions d'authentification et de signature électronique, a précisé Xavier Bertrand. La limitation des fraudes sera en outre facilitée par une nette amélioration de la gestion de l'ensemble des cartes. La nouvelle carte aura une mémoire huit fois plus importante que la carte actuelle et pourra stocker plus de données. Parmi ces nouvelles informations, devraient figurer, outre la numérisation de la photo et les informations déjà présentes sur la carte actuelle, les coordonnées du médecin traitant et les données ayant trait à la complémentaire santé. Mais la carte pourrait aussi dans le futur permettre d'effectuer d'autres démarches administratives. Elle pourrait servir à signer électroniquement des documents ou à faire usage d'autres téléservices, comme le télépaiement de l'impôt ou le changement d'adresse.

Avec la généralisation du DMP et de la carte Vitale 2, en 2008, notre pays va véritablement entrer dans l'ère de la santé numérique et il est grand temps ! Alors que l'informatique est partout et a envahi depuis des années nos bureaux et nos foyers, la médecine et la santé sont loin de tirer pleinement parti des nouvelles technologies de l'information, il suffit d'être hospitalisé pour s'en convaincre. En 2006, le patient qui doit passer d'un service à l'autre ou d'un établissement à l'autre ou qui veut simplement montrer ses radios à son médecin généraliste doit encore transporter avec lui ses clichés. On sait en effet envoyer au bout du monde une photo ou une vidéo par l'Internet mais la transmission numérique d'une radio, d'un examen ou d'un dossier médical entre deux hôpitaux ou de l'hôpital au médecin traitant relève encore, pour une grande majorité de malades, de la science-fiction !

Cette situation n'est plus acceptable car elle entraîne à la fois des actes redondants et des gaspillages et surtout elle est source d'inconfort pour le patient et génère une perte importante de temps,d'énergie et efficacité médicale. C'est pourquoi, loin d'être un gadget technologique, le dossier médical personnel est une avancée majeure et une innovation de rupture en matière de médecine et de santé, même si ses difficultés de mise en place sont réelles.

Mais il est vrai que, comme toute innovation fondamentale, le DMP remet en cause les rapports de pouvoirs et modifie profondément l'organisation et les méthodes de travail au sein de notre système de santé, dont on connaît les lourdeurs technocratiques et les tendances au conservatisme. La mise en place de ce DMP peut constituer, si tous les acteurs concernés s'impliquent dans sa réussite, un vecteur décisif de modernisation et d'amélioration de l'ensemble des prestations de santé, c'est pourquoi nous devons tous oeuvrer pour contribuer à son succès.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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