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Edito : La diététique doit devenir la clef de voûte de la prévention en matière de santé

Un tiers de cancers en moins et une mortalité réduite de 37 % chez les hommes qui ont avalé chaque jour pendant huit ans une pilule de vitamines et minéraux anti-oxydants à "petites doses" : tel est le résultat spectaculaire de l'étude française à grande échelle Suvimax, rendu public le 21 juin. (http://www.suvimax.org/sites/suvimax). "Les doses en jeu sont de niveau nutritionnel, chacun peut les trouver dans son alimentation", insiste le Dr Hercberg. Cinq fruits et légumes par jour apportent ainsi facilement les doses utilisées dans l'étude Suvimax, pour le bêta-carotène et la vitamine C. Par exemple, en mangeant 1 tomate, 100 g de fraises, 200 g de haricots verts, une poire, 200 g de melon. Ou encore 1 orange, 100 g de carottes râpées, 150 g de choux vert, une pomme, 120 g de brocolis. En outre, 150 g de pain complet combiné avec un steak et 200 g de riz couvrent totalement les besoins journaliers en zinc. Ce pain apporte de surcroît 50 % des 100 microgrammes de sélénium. Par ailleurs, deux cuillerées à soupe d'huile de tournesol apportent 10 mg de vitamine E, soit déjà un tiers de la dose journalière utilisée dans l'étude. Pas question donc de pousser à la consommation de suppléments "pilules miracles", qui pourraient d'ailleurs se révéler néfastes, selon lui. "C'est la seule étude, au niveau international, avec des apports à dose nutritionnelle, et non pharmaceutiques à fortes doses", souligne le Dr Hercberg. "En extrapolant, cette réduction du risque de cancer de 31 %, ce serait plus de 40.000 cancers qui pourraient être évités chaque année chez les hommes, tous âges confondus et au moins 12.000 par an, dans une estimation a minima", calcule-t-il, avec ses collègues. Quelque 13.000 personnes ont participé à l'étude Suvimax (SUpplémentation en Vitamines et Minéraux anti-oXydants) lancée en octobre 1994. Objectif principal : vérifier qu'une consommation régulière de vitamines et minéraux antioxydants, présents dans les fruits et légumes, peut réduire les risques de cancers ou de maladies cardio-vasculaires. Le cocktail Suvimax : bêta-carotène (6mg), vitamine C (120 mg), vitamine E (30 mg), sélénium (100 microgrammes), zinc (20mg). "Les anti-oxydants font barrage à l'accumulation toxique, dans les cellules, des radicaux libres, dérivés de l'oxygène. Ils s'opposent à l'oxydation, un phénomène de vieillissement", explique le Dr Hercberg. Un peu comme "du jus de citron (vitamine C) empêche de noircir (oxydation) un morceau d'avocat ou de pomme laissés à l'air libre". Les 13.017 participants, 7.886 femmes de 35 à 60 ans et 5.141 hommes de 45 à 60 ans, ont été sélectionnés parmi 80.000 volontaires. Un groupe (6.481 sujets) a reçu la mystérieuse pilule dont la composition était tenue secrète, et l'autre (6.536) un placebo. En huit ans, ont été enregistrés 562 cancers (350 femmes, 212 hommes), 271 infarctus (221 hommes) ou d'autres accidents vasculaires et 174 décès, principalement de cancers. Parmi les hommes sous placebo, 124 ont eu un cancer contre 88 dans le groupe "anti-oxydants". Cette réduction "significative" concerne la plupart des cancers, "principalement digestif, ORL, respiratoire et peau", selon l'étude. Cette étude Suvimax confirme pleinement le rôle protecteur contre le cancer, des fruits et légumes, déjà mis en évidence par plusieurs autres études de grande envergure. Il y a quelques jours, le 24 juin, une étude publiée par le New England Journal of Medicine (http://content.nejm.org/cgi/content/short/348/26/2599) et portant sur 22000 adultes suivis pendant 4 ans, vivant en Grèce, a ainsi confirmé les bienfaits du régime méditerranéen en montrant qu'il pouvait entraîner une réduction globale de la mortalité allant jusqu'à 25 % pour ses adeptes les plus assidus. Une autre étude épidémiologique récente menée en Grande Bretagne a également confirmé que la consommation régulière de fruits peut prévenir le déclenchement des maladies cardio-vasculaires et de certains cancers. Cette étude a porté sur plus de 30.000 hommes et femmes de Norfolk, âgés de 49 à 79 ans dont la santé a été constamment surveillée. Les chercheurs ont constaté qu'un faible niveau de vitamine C (présente dans les fruits et légumes) dans le sang des personnes étudiées est associé à des taux de mortalité plus élevés par maladies de coeur chez les hommes et des femmes, et à une surmortalité masculine spécifique pour certains cancers. Cette surmortalité globale semble indépendante de l'âge des personnes, de leur tension artérielle ou de leur consommation de tabac. Selon cette étude, il suffirait que les personnes qui consomment peu de fruits et légumes mangent simplement une pomme ou une orange par jour pour voir leur risque de mortalité par cancer diminuer de 20 %. L'étude Suvimax confirme aussi les résultats de l'étude EPIC, (Etude Prospective Européenne sur l'alimentation et le cancer), actuellement dirigée par le CIRC. Cette étude est la plus grande étude européenne sur nos habitudes alimentaires. Son but est d'établir le lien entre alimentation et cancer. Depuis 1992, 520 000 volontaires dans 10 pays européens sont suivis en temps réel. Les résultats préliminaires de cette étude sans précédent sont édifiants : une consommation quotidienne de 500 grammes de fruits et de légumes diminue de moitié l'incidence des cancers des voies aérodigestives, et réduit notablement celle des cancers du côlon ou du rectum. Mais l'étude Suvimax, décidément riche d'enseignements, a également permis de montrer que l'obésité a augmenté de façon significative dans notre pays. Un homme sur huit est aujourd'hui obèse, contre un sur onze il y a seulement 9 ans. Pourtant, l'étude Suvimax montre que les apports énergétiques sont en légère baisse. Alors qu'ils se situaient à 1 684 Kcal/j pour les femmes en 1994, ils sont aujourd'hui de 1 570 Kcal/j. Soit une baisse de 7 %. Il semblerait donc que l'augmentation de l'obésité soit liée à la fois à une alimentation déséquilibrée et à une diminution croissante de l'exercice physique. Il est très important de rappeler que l'obésité et le surpoids ne sont pas seulement des problèmes esthétiques mais entraînent de graves conséquences sur la santé. On connaissait déjà les effets du surpoids en matière cardio-vasculaire et articulaire mais on sait à présent qu'il existe aussi un lien puissant entre cancer et surpoids, comme vient de le confirmer une vaste étude américaine publiée le 24 avril dernier dans le New England Journal of Medicine. Cette étude montre que l'excès de poids augmente de 14 % le nombre de morts par cancer chez l'homme et de 20 % chez la femme. L'obésité est devenue un véritable problème de santé publique aux Etats-Unis. En 2000, environ 65 % de la population adulte était en surpoids ou obèse. Selon les statistiques officielles, l'obésité est à l'origine de quelque 300.000 morts annuellement et le coût annuel des traitements liés aux problèmes de poids atteint 100 milliards de dollars. Le dernier rapport de l'OCDE publié le 24 juin révèle que la proportion d'obèses augmente partout avec les mêmes causes : mauvaises habitudes alimentaires et manque d'exercice. Elle aura à l'avenir «des conséquences considérables» sur le plan de la santé et des dépenses. Plusieurs pays, comme l'Australie, le Mexique et le Royaume-Uni rattrapent les Etats-Unis en tête du classement de l'obésité. L'obésité et le surpoids sont en train de devenir un véritable fléau social dans nos pays développés. Compte tenu des résultats convergents de ces études scientifiques et de leurs conséquences majeures en matière de prévention et de santé publique, il est nécessaire que les pouvoirs publics mettent en oeuvre une politique plus ambitieuse et plus globale sur le long terme de prévention alimentaire des grands pathologies dévastatrices, cancer, maladies cardio-vasculaires, diabète, arthrose, qui frappent de plus en plus de nos concitoyens et sont liées à la fois au vieillissement de notre population et à l'augmentation constante du nombre de personnes en surpoids. Non seulement la diététique doit devenir une discipline obligatoire et incontournable, tout au long du cursus scolaire, et doit être pleinement intégrée à notre culture générale, mais les bonnes pratiques alimentaires doivent également être encouragées en permanence par les médecins généralistes, qui bénéficient d'un fort capital de confiance, et par les caisses d'assurance-maladie et les mutuelles. Dans cette perspective, il conviendrait de pérenniser le Programme national nutrition-santé (PNNS), lancé pour 5 ans en janvier 2001 par le gouvernement. Il serait également souhaitable que l'actuel programme soit prolongé jusqu'en 2007 de façon à ce qu'à l'avenir ce programme coïncide avec la durée de la législature. Il est également nécessaire que les entreprises participent plus activement à ce travail d'information et d'éducation en privilégiant les repas équilibrés et les grands groupes agro-alimentaires doivent s'investir d'avantage dans ce domaine capital de la prévention alimentaire en passant avec l'Etat, dans le cadre du PNNS, de véritables contrats d'objectifs et en privilégiant la dimension diététique dans la conception et la commercialisation de leurs produits. C'est ce type de démarche novatrice que vient d'annoncer outre atlantique Kraft Foods, premier groupe alimentaire américain, qui a promis, le 1er juillet, d'encourager des modes d'alimentation plus sains en adaptant ses produits et sa politique marketing. A terme, et en ne considérant que le cancer et les maladies cardio-vasculaires, ce sont 100 000 vies par an qui pourraient être sauvées dans notre pays si nous parvenons à éduquer l'ensemble de nos concitoyens en matière nutritionnelle et à les convaincre, en respectant bien entendu les goûts et le libre choix de chacun, d'adopter une alimentation plus équilibrée d'une manière générale. A plus long terme, notre médecin pourrait même nous proposer une alimentation personnalisée, en fonction des risques génétiques spécifiques de chacun, que nous serons bientôt en mesure de connaître avec précision grâce à la banalisation de nouveaux outils technologiques comme les puces à ADN. Il y a là un grand et exaltant défi de société que nous pouvons gagner tous ensemble dans une génération si nous conjuguons volonté politique sans faille de l'Etat, responsabilité personnelle et engagement fort des acteurs médicaux et industriels concernés.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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