RTFlash

Edito : La détection précoce et fiable des principaux cancers est enfin à portée de main

C'est bien une découverte majeure que vient de faire une équipe de recherche franco-américaine.

Des chercheurs de l'Inserm (Unité 955 "Institut Mondor de recherche biomédicale") dirigés par Nicolae Ghinea et une équipe du Mount Sinai School of Medicine, New York, dirigée par Aurelian Radu, viennent en effet de découvrir qu'une molécule absente de la plupart des tissus normaux chez l'homme est présente dans onze types de cancers (cancer de la prostate, du sein, du colon, du pancréas, de la vessie, du rein, du poumon, du foie, de l'estomac, des testicules, des ovaires). C'est la première fois que l'on identifie un tel "marqueur universel", une molécule commune, à tous les types de tumeur.

Cette étude réalisée chez plus de 1300 patients a été publiée le 21 octobre dans le prestigieux New England Journal of Medicine" »). Elle montre que non seulement le récepteur de la FSH semble spécifique des tissus tumoraux, mais il est présent aux stades très précoces, il est facilement détectable par les méthodes d'imagerie traditionnelle et semble être une cible facile pour des agents-anticancéreux administrés par voie sanguine.

L'hormone folliculo stimulante ou FSH a pour cible les organes reproducteurs humains : ovaires et testicules. Chez la femme, elle stimule la maturation des follicules ovariens et la production d'oestrogènes (via son action sur les cellules de la granulosa). Chez l'homme elle stimule la production des spermatozoïdes (via son action sur les cellules de Sertoli).

Le récepteur de la FSH, qui fait l'objet du travail mené par les chercheurs de l'Inserm, se trouve normalement localisé uniquement dans les cellules stimulées par la FSH (cellule de la granulosa chez la femme, cellules de Sertoli chez l'homme). Toutefois, il est présent en très petite quantité dans les vaisseaux sanguins des ovaires et des testicules, ce qui a orienté le travail des chercheurs.

Le réseau vasculaire est effectivement l'un des constituants les plus importants des tumeurs cancéreuses. Il est nécessaire à leur croissance et leur maintien dans l'organisme. La plupart des tumeurs cancéreuses sont même capables de créer de nouveaux vaisseaux afin de survivre. Les chercheurs ont donc conduit une étude approfondie visant à déterminer si le récepteur de la FSH était présent dans les vaisseaux sanguins des tumeurs.

Nicolae Ghinea et ses collaborateurs de l'Inserm ont étudié des biopsies prélevées chez 1336 patients atteints de cancer après une chirurgie. La présence du récepteur de la FSH a été contrôlée dans des tumeurs allant d'un stade très précoce à des stades plus tardifs pour onze types de cancer (prostate, sein, colon, pancréas, vessie, rein, poumon, foie, l'estomac, testicules, et ovaires).

Les résultats obtenus démontrent la présence du récepteur dans la totalité des échantillons, quels que soient le type et le stade de la tumeur. A contrario, ce récepteur est totalement absent de l'ensemble des autres tissus normaux de l'organisme y compris le tissu normal de l'organe porteur de la tumeur.

De façon générale, les vaisseaux sanguins qui expriment le récepteur de la FSH se trouvent à la périphérie de la tumeur. Le récepteur, quant à lui semble spécifiquement localisé sur la partie dite luminale des cellules qui tapissent la paroi des vaisseaux, ce qui fait de lui une cible facile pour les agents de diagnostic et thérapie injectés dans le sang.

Ces deux caractéristiques (absence des tissus normaux et localisation sur la partie luminale des cellules endothéliales) en font un marqueur biologique très prometteur et un candidat intéressant pour l'imagerie et la thérapie. Des expériences de détection par imagerie ont d'ores et déjà été effectuées avec succès par les chercheurs chez la souris.

De nouvelles expériences sont nécessaires pour confirmer la détection du récepteur de la FSH en testant des procédures d'imagerie utilisées couramment à l'hôpital (RMN, TEP, et imagerie par ultrasons). Pour les chercheurs, il est par ailleurs probable qu'il puisse être une cible générale pour des médicaments anti-cancéreux mais également pour des agents qui détruisent ou bloquent les vaisseaux sanguins des tumeurs.

Cette découverte est remarquable car elle ouvre la voie à moyen terme sur une méthode de détection simple, fiable, rapide et très précoce par imagerie des principaux cancers. Il sera ainsi possible dans quelques années de mettre en oeuvre, au tout début de la maladie, le meilleur traitement disponible, conçu et personnalisé en fonction du profilage moléculaire et génétique spécifique de la tumeur du patient. La combinaison de ces outils de détection précoce et des nouveaux traitements "sur mesure" va révolutionner le pronostic et la prise en charge des cancers et augmente très sensiblement les chances de guérison.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Noter cet article :

 

Recommander cet article :

back-to-top