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Edito : Les dernières avancées en biologie ouvrent la voie à la révolution de la médecine régénératrice

La science ne s'arrête décidément jamais ! Au cours de ce mois d'août, les avancées biologiques et médicales de premier plan se sont succédées avec, comme point commun, de fulgurants progrès dans les domaines du clonage et de la thérapie cellulaire (Voir le détail de nos articles dans notre rubrique « Sciences de la Vie » de ce numéro).

Pour la première fois au monde, des biologistes sud-coréens ont en effet réussi à réaliser par clonage la "copie conforme" d'un lévrier afghan au pelage noir et blanc, qui a été mis au monde par une mère labrador jaune. Le résultat de cette opération s'appelle "Snuppy" (pour Seoul National University puppy/chiot de l'Université nationale de Séoul). Snuppy est le premier chien à rejoindre toute une galerie d'animaux déjà clonés avec succès, allant des moutons aux chevaux en passant par des souris, des vaches, des chèvres, et des porcs. Les chiens étaient pourtant parmi les plus difficiles des animaux à copier. Comme l'a souligné Ian Wilmut, le biologiste britannique qui a créé la brebis Dolly, "Les succès obtenus dans le clonage d'un nombre d'espèces de plus en plus important confirment qu'il est bel et bien possible de cloner n'importe quel mammifère et notamment l'homme".

Alors que les chercheurs coréens faisaient cette annonce, confirmant ainsi leur savoir-faire dans ce domaine stratégique du clonage, des chercheurs américains de Harvard annonçaient, fin août, qu'ils avaient réussi l'exploit, à partir d'une cellule de peau d'une personne, fusionnée à une cellule souche embryonnaire, (extraite d'embryons surnuméraires obtenus après fécondation in vitro), de fabriquer une entité radicalement nouvelle, une cellule hybride («cybride») réussissant ainsi à reprogrammer une cellule adulte à son état embryonnaire. Cette cellule "cybride" de peau possède un extraordinaire potentiel de régénération et ouvre la perspective de pouvoir disposer de cellules souches embryonnaires personnalisées, parfaitement compatibles avec l'organisme des malades.

Cette technique permet en outre de surmonter de délicats problèmes éthiques en évitant d'avoir recours à la création d'embryons humains pour récupérer leurs précieuses cellules souches embryonnaires. Fait inhabituel et révélateur de l'importance de cette découverte, la revue Science qui a publié ces travaux le 26 août, a organisé une téléconférence de presse pour les présenter à l'ensemble de la communauté scientifique.

D'autres chercheurs américains sont parvenus, pour leur part, à cultiver de l'os in vivo sur un animal et à l'utiliser pour réparer un os abîmé. Un tel procédé pourrait un jour remplacer l'opération délicate consistant à prélever un petit morceau d'os sur la hanche, par exemple, pour combler une fracture à un autre endroit. L'équipe de Prasad Shastri (Université de Vanderbilt, Nashville) a mis à profit le mécanisme naturel de réparation de l'os pour mettre au point ce qu'ils ont appelé le ''bioréacteur'' à os. Jusqu'à présent les tentatives pour greffer un tissu osseux cultivé in vitro ont échoué. Prasad Shastri et ses collègues ont préféré cultiver l'os sur sa matrice naturelle. Lorsque l'os est abîmé, la membrane qui l'entoure, le périoste, orchestre la réparation de la partie fracturée (périostéogénèse) et permet ainsi à l'os de se ressouder en six semaines.

Dans cette moisson estivale de découvertes et d'annonces scientifiques majeures, l'Europe n'est pas en reste puisque des chercheurs suédois ont annoncé qu'ils étaient parvenus, à partir de cellules souches cérébrales prélevées sur des adultes vivants, à créer de nouvelles cellules qui sont devenues fonctionnelles, suscitant l'espoir de pouvoir, à terme, traiter des affections lourdes comme les maladies de Parkinson et d'Alzheimer. Grâce à un agent capable de provoquer leur division, les chercheurs suédois ont réussi à produire plusieurs millions de nouvelles cellules à partir des cellules souches originelles, et environ un quart d'entre elles sont devenues des neurones actifs. Ces nouvelles cellules se sont mises à communiquer entre elles, ce qui montre qu'elles ont établi de nouvelles connexions synaptiques permettant aux neurones d'être fonctionnels.

Les biologistes tentent depuis longtemps de remplacer les cellules mortes du cerveau par des cellules saines pour tenter d'inverser le processus de dégradation qui survient lors d'affections incurables comme la sclérose en plaque, la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Parkinson. Comme le soulignent les responsables de ces recherches passionnantes, "Le simple potentiel de ces cellules a un impact significatif sur la manière dont nous évaluons aujourd'hui la capacité de régénération du système nerveux central et, très important, sur les moyens potentiels dont dispose désormais la science pour mieux comprendre les mécanismes de la réparation neuronale".

En Suisse, c'est une avancée remarquable dans le traitement des enfants brûlés qui vient d'être réalisée par des chercheurs qui, après avoir remarqué que des incisions dans la peau d'un foetus guérissaient sans laisser de trace, ont eu l'idée d'utiliser de la peau de foetus «cultivée» pour traiter les jeunes enfants brûlés. Mais alors qu'ils s'attendaient à ce que la nouvelle greffe de peau provenant d'un foetus avorté s'intègre à celle des enfants traités, la greffe de peau s'est dissoute ou s'est changée en un gel facile à enlever. De plus, aucun phénomène de rejet n'a été noté, puisque la greffe demeurait en surface et ne s'intégrait pas à la peau des enfants. Traditionnellement, les brûlures sont traitées avec des lambeaux de peau prélevés ailleurs sur le corps du patient, une procédure douloureuse et qui cause des lésions additionnelles sur le corps.

«Nous avons plutôt observé une guérison spontanée des brûlures en seulement deux semaines, ce qu'on ne voit jamais dans les greffes traditionnelles», explique le Dr Patrick Hohlfeld, professeur de gynécologie et d'obstétrique à l'Hôpital universitaire de Lausanne, en Suisse. Avec les greffes traditionnelles, «la guérison ne se fait pas de cette manière et prend plusieurs mois. Non seulement la guérison est plus rapide, mais la douleur est beaucoup moindre et cette technique ne laisse pas de cicatrice. Les chercheurs doivent maintenant déterminer si les greffes de peau provenant de foetus peuvent avoir le même effet de guérison chez les adultes.

Ces avancées annoncées au cours de l'été, toutes plus remarquables les unes que les autres, nous montrent que nous sommes bien à l'aube d'une nouvelle révolution scientifique et médicale d'une ampleur que nous avons encore du mal à évaluer. Avec la maîtrise de l'utilisation des cellules-souches et la mise au point des thérapies cellulaires, la médecine va accomplir un prodigieux bond en avant en permettant, sans doute plus tôt qu'on ne l'imagine, une véritable et complète régénération d'organes et de fonctions lésés ou détruits par la maladie ou l'âge.

Fait remarquable, cette médecine régénératrice va non seulement concerner le corps mais aussi l'esprit en permettant une restauration jusqu'à présent hors d'atteinte de tous traitements médicaux, des fonctions intellectuelles et cognitives chez des personnes victimes d'accidents ou de maladies neuro-dégénératrices, et bien entendu chez les personnes âgées dont le nombre ne cesse d'augmenter dans notre pays. Ces extraordinaires perspectives thérapeutiques vont considérablement modifier les conséquences économiques et socio-culturelles liées au vieillissement croissant de notre population car elles laissent espérer l'avènement d'une société où l'on vivra non seulement beaucoup plus longtemps (sans doute un siècle d'espérance de vie d'ici 2050) mais dans laquelle la grande majorité des individus pourront conserver jusqu'à la fin de leur vie leur autonomie et une bonne qualité de vie.

Souhaitons que notre pays prenne toute la mesure de cette révolution et se donne rapidement les moyens juridiques et budgétaires de rester dans cette course scientifique et technologique capitale.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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