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Dépendance aux drogues : une perte de souplesse du cerveau

Alcool, nicotine, morphine, ecstasy, cocaïne, héroïne, et d'autres drogues procurent du plaisir quand on les consomme une première fois, car elles modifient l'activité du système cérébral dit de la récompense. Mais ce système est étroitement couplé au circuit cérébral dit de la dépendance. Toutes ces substances peuvent en effet rendre la personne dépendante à la drogue consommée, soit après quelques prises, soit après quelques semaines de consommation, soit jamais.

De fait, seules certaines personnes consommant de la drogue deviennent toxicomanes. Pour quelles raisons ? Des travaux sur le rat effectués par Fernando Kasanetz et ses collègues, du Neurocentre Magendie de Bordeaux (Unité INSERM 862), apportent un élément de réponse : le cerveau des toxicomanes serait moins « souple », c'est-à-dire moins plastique, les connexions entre neurones ne pouvant pas s'habituer à la présence de la drogue.

Le circuit de la dépendance dans le cerveau fait intervenir quatre zones qui participent aussi au système de la récompense : le noyau accumbens et le pallidum ventral seraient le siège de la récompense et du plaisir ; l'amygdale cérébrale et l'hippocampe interviennent dans les réactions de conditionnement ; le cortex orbitofrontal participe à la motivation et à l'évaluation des stimulus ; et le cortex préfrontal et l'aire cingulaire freinent les comportements inadaptés.

Ces régions interagissent et, normalement, l'inhibition exercée par le cortex préfrontal est efficace. Chez une personne dépendante, les signaux émis par le noyau accumbens sont amplifiés et le contrôle inhibiteur du cortex préfrontal est quasi-inexistant. Cela aboutit à un état de motivation non contrôlé qui mène à la prise compulsive de la drogue, sans anticipation de ses conséquences néfastes.

Alors que se passe-t-il dans ces structures cérébrales chez la personne dépendante ? Les neurobiologistes français ont proposé régulièrement de la cocaïne à des rats : ceux-ci ont appris à mettre leur nez dans un trou d'une paroi de la cage pour recevoir une injection de drogue. Un groupe de rats est devenu dépendant à la cocaïne en moins de deux mois : les rats mettaient sans arrêt leur nez dans le trou pour avoir leur dose et ne pouvaient plus s'arrêter de demander de la cocaïne, même quand il n'y en avait pas ou quand son administration était associée à une punition. En revanche, l'autre groupe de rats contrôlait sa prise de drogue et n'était pas devenu dépendant.

Les chercheurs ont enregistré chez les rats les signaux électriques des neurones du noyau accumbens, à différentes étapes de l'expérience. Ils ont notamment exploré la force des connexions entre neurones, au niveau des synapses : quand un neurone envoie de façon répétée un même signal, le neurone cible - de l'autre côté de la synapse - émettra un signal au début, puis finira par ne plus réagir à l'activation présynaptique. On dit que le neurone postsynaptique s'est habitué au signal avec le temps : c'est la « dépression à long terme ». Ce genre de plasticité des connexions cérébrales permet au cerveau de s'adapter à un contexte toujours changeant.

Au début de l'expérience, tous les rats présentaient une diminution de la dépression à long terme après la prise de cocaïne. Cet effet persistait chez les rats devenus dépendants, alors que la dépression à long terme est réapparue dans le noyau accumbens des rats contrôlant leur consommation de cocaïne.

Le noyau accumbens des rats toxicomanes ne se serait pas adapté à la présence de la drogue et serait peu plastique, ce qui ne permet pas à l'animal d'avoir un comportement flexible et d'arrêter de consommer de la cocaïne quand il le désire. Mais pourquoi la cocaïne modifie-t-elle de façon persistante la dépression à long terme uniquement chez certains rats ? Des facteurs génétiques et environnementaux (par exemple une exposition prénatale aux drogues) sont probablement en cause.

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