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Edito : Démographie : la revanche des seniors

Les dernières projections démographiques de l'INSEE (Institut nationale de la statistique et des études économiques) sont riches d'enseignements et méritent d'être méditées par tous les responsables économiques et politiques de notre pays. Ces chiffres dessinent les contours de la population française au cours des prochaines décennies.

Premier constat : la courbe démographique perd de sa vigueur, avec une croissance passée de 0,8 % dans les années d'après-guerre à 0,56 % en 2005 et 0,11 % en 2049. « La population, selon cette étude, augmenterait sur toute la période projetée, mais à un rythme de moins en moins rapide ». En 2005, la France comptait 60,7 millions d'habitants. En 2050, ils seront 70 millions.

Deuxième constat : les Français vont vieillir. Les plus de 60 ans représenteront 32 % d'entre eux. Ils n'étaient que 20 % en 2005. Les plus de 75 ans, eux, bondiraient de 4,9 à 10,9 millions et les 85 ans et plus, de 1,1 à 4,2 millions. La population vieillissant, le nombre de décès dépasserait vers 2045 le nombre de naissances, selon le scénario central. Le solde naturel de population, en baisse depuis 2005, deviendrait alors négatif (il est projeté à -26.000 en 2049) mais ce déficit naturel serait compensé par le solde migratoire positif d'environ 100.000 personnes par an, moyenne, souligne l'INSEE.

S'agissant du vieillissement de notre population, l'Insee souligne que "Même si l'espérance de vie se stabilisait à son niveau de 2005, le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus augmenterait de 50 % en 45 ans". Autrement dit, si la plupart des seniors d'aujourd'hui auront disparu d'ici là, d'autres les auront remplacés. Et ils seront beaucoup plus nombreux. L'espérance de vie devrait continuer à progresser : en 2050, une femme pourra atteindre 89 ans, un homme 83,8 en moyenne. L'écart entre hommes et femmes s'atténue. De 7,1 années en 2005, il passe à 5,2 en 2050.

La France métropolitaine compterait en 2050 22,3 millions de personnes âgées de 60 ans ou plus, soit 32 % de la population alors que cette proportion était d'un cinquième en 2005. Au sommet de la pyramide des âges, l'effectif des 75 ans et plus passerait même de 4,9 à 10,9 millions entre 2005 et 2050 et celui des 85 ans et plus de 1,1 à 4,2 millions. "Même si l'espérance de vie se stabilisait à son niveau de 2005, le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus augmenterait de 50 % en 45 ans", souligne l'étude.

Selon le scénario privilégié, la France compterait au 1er janvier 2050 sept habitants âgés de 60 ans ou plus pour dix habitants de 20 à 59 ans. Ce ratio aurait ainsi presque doublé en 45 ans. Selon ces projections de l'Insee, il n'y aura plus, en 2050, que 1,4 actif pour un inactif de plus de 60 ans, contre 2,2 en 2005 et plus de 3 en 1970.

A titre comparatif, selon les projections établies en 2004 par Eurostat, l'agence de statistiques de l'Union européenne, la population de l'Allemagne devrait baisser vers 2015. Tout en restant le pays le plus peuplé, elle ne représenterait plus, en 2050, que 19 % de la population, contre 22 % en 2004. En ce qui concerne l'Espagne et l'Italie, en 2050, 40 % de leur population aurait plus de 60 ans. Grâce à un taux de natalité plus élevé, la France devrait rester plus jeune que la moyenne des pays d'Europe, avec 33 % de plus de 60 ans, contre une moyenne européenne de 36 %.

Dans une autre étude, l'Insee analyse les conséquences pour les ressources en main-d'oeuvre de la révision à la hausse de ses estimations de population ainsi que des changements récents dans la législation des retraites. La croissance du nombre d'actifs devrait se réduire progressivement jusqu'en 2015 puis ce nombre se maintiendrait entre 28,2 et 28,5 millions, contre 27,6 millions en 2005, prévoit l'institut.

Concernant l'emploi des seniors, l'Insee estime qu'en 2030 le nombre de personnes de plus de 55 ans en activité devrait avoir augmenté d'un million par rapport à 2005 pour représenter 14,8 % de la population active contre 11,3 % en 2005. Concernant les 60-64 ans, appelés à rester en activité entre un ou deux ans de plus, "leur taux d'activité retrouverait progressivement son niveau du début des années 1980 pour les hommes et du début des années 1970 pour les femmes", écrivent les auteurs de l'étude.

Les gains en activité devraient venir de la poursuite de l'augmentation du travail des femmes et de celle des seniors, conséquence prévisible de la nouvelle législation des retraites.

A la lumière de ces prévisions, on comprend mieux à quel point les discriminations qui frappent aujourd'hui les seniors dans les entreprises et sur le marché du travail sont à la fois absurdes et néfastes pour notre société. Ces projections éclairent également d'une lumière nouvelle le débat sur l'âge de la retraite et, plus généralement sur la vie professionnelle, qui doivent sortir des affrontements idéologiques stériles et simplificateurs et faire enfin l'objet d'une vraie réflexion de société.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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