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Dans quarante ans, l'électricité pourrait venir de l'espace

Depuis plusieurs mois, la Californie subit des coupures de courant à répétition et la région la plus "branchée" du monde vit à l'heure de la bougie. Le prix du kilowattheure y atteint presque 2,50 francs, soit sept fois plus que dans l'Etat du New Jersey et cinq fois plus qu'en France. Le 9 mai, le Brésil a annoncé des rationnements. L'Australie aussi est menacée...La fameuse question "Quelle énergie pour demain ?" n'en devient que plus lancinante. Avec l'augmentation de la population mondiale, l'accession de beaucoup au confort électroménager, la demande en électricité sur toute la planète pourrait connaître jusqu'à 75 % de hausse d'ici à 2020. Comment y faire face ?La prise de conscience de la fragilité de notre Terre, qu'ont avivée les recherches sur l'augmentation de la température et l'effet de serre, pourrait limiter le recours aux combustibles fossiles, dont les réserves ne sont de toute façon pas illimitées. De la même manière, la relance du nucléaire que préconise aujourd'hui le gouvernement américain se heurtera de plus en plus au problème du stockage des déchets radioactifs. Alors, quelle énergie pour demain ? La réponse pourrait venir de l'espace et s'appelle centrale solaire orbitale (CSO). D'un futurisme forcené, ce projet fou - par ailleurs propre pour l'environnement-envisage de mettre en orbite autour de la Terre de gigantesques panneaux solaires couplés à des antennes émettant de larges faisceaux de micro-ondes vers d'immenses récepteurs situés au sol. Chacune de ces centrales électriques de l'espace pourrait produire de 1 à 10 gigawatts. A titre de comparaison, un réacteur de centrale nucléaire chacune en compte généralement plusieurs-fournit autour de 1 gigawatt. Mais pourquoi choisir l'espace plutôt que la Terre pour implanter ces armées de cellules photovoltaïques? La raison principale était exposée dans un article paru en avril 2000 dans le journal de l'Electric Power Research Institute: des panneaux solaires reçoivent en moyenne huit fois plus de lumière solaire en orbite géostationnaire (à 36 000 kilomètres d'altitude) qu'au sol. A cette altitude, il n'y a pas d'atmosphère, donc pas de poussières-écran ni de nuages réflecteurs, et des cycles jour-nuit moins contraignants qu'au sol avec une flotte de satellites en orbite. L'idée des centrales solaires orbitales n'est pas neuve. Elle a été inventée en 1968 par l'ingénieur américain d'origine tchèque Peter Glaser, qui s'appuyait sur la possibilité de faire voyager l'énergie par le biais d'ondes électromagnétiques. Pour Jean-Daniel Lan Sun Luk, "les premiers prototypes devraient être japonais". Ne disposant pas de combustibles fossiles, le pays du Soleil-Levant s'est en effet intéressé depuis longtemps au sujet. En janvier, Osamu Takenouchi, responsable de la division spatiale au ministère nippon de l'économie, du commerce et de l'industrie (METI), annonçait que son pays allait investir dans la recherche et les études de faisabilité d'une centrale solaire orbitale d'un gigawatt. Prévu pour 2040, ce satellite serait équipé de deux panneaux géants de 1 kilomètre sur 3 et pèserait autour de 20 000 tonnes. Le METI estime que le prix du kilowattheure ainsi produit s'élèverait à moins de 1,50 franc. A comparer avec celui du kilowatt heure "nucléaire": moins de 20 centimes à la production en France et entre 50 et 70 centimes en moyenne à la vente pour un particulier. "Le premier des obstacles à la réalisation des centrales solaires orbitales est économique car l'énergie est encore bon marché aujourd'hui, estime Jean-Daniel Lan Sun Luk. Mais si un choc énergétique advient, le processus sera accéléré. Il faudra aussi optimiser l'ensemble des systèmes, trouver de meilleurs composants et des matériaux plus légers pour diminuer le coût de transport. La construction des centrales elles-mêmes n'est pas évidente et nous réfléchissons à l'idée d'autocroissance: après l'arrivée des premiers éléments par cargos spatiaux, le montage serait effectué par des petits robots alimentés par l'énergie qui serait déjà collectée. Une autre idée - à un horizon lointain - pour réduire le coût de transport consiste à imaginer une base lunaire où la matière première serait extraite et où les structures des centrales seraient fabriquées dans une usine automatisée avant d'être mises en orbite autour de la Terre, sachant qu'il est beaucoup plus simple d'échapper à l'attraction de la Lune qu'à celle de notre planète." Il faudra aussi convaincre les terriens que les centrales solaires orbitales ne risquent pas de les griller sur place... Les antennes réceptrices - du grillage en l'occurrence - seront situées dans les déserts, sur le sommet des forêts ou sur les océans. Non pas en raison d'un danger potentiel, mais parce qu'elles prendront beaucoup d'espace, plusieurs kilomètres carrés. Ce afin, justement, de permettre l'émission d'un large faisceau au sein duquel le flux énergétique sera dilué. "La norme que nous nous sommes fixée est de 50 watts par mètre carré au sol, sachant que la densité de puissance moyenne du Soleil est de 1 000 watts par mètre carré, explique Jean-Daniel Lan Sun Luk. Il faut aussi rappeler que, pour que l'onde interagisse avec la matière, il faut que sa longueur soit de la même taille que l'atome." Or il s'agit ici d'ondes centimétriques comparables à celles utilisées par les... téléphones portables.

Le Monde : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3244--190302-,00.html

Journal de l'Electric Power Research Institute :

http://www.epri.com/Journal.asp?issueid=240518#ARTICLE-240520-7

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