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Le coût de l'énergie et des matières premières relance l'idée d'exploiter les décharges

Jusqu'alors, les décharges ne constituaient une ressource que pour des populations déshéritées fouillant, parfois à mains nues, les immondices dans l'espoir d'y dénicher quelque objet à revendre. Mais voilà qu'opérateurs et chercheurs se posent la question : et si les décharges constituaient une source insoupçonnée d'énergie et de matières premières ? Une question qui a été au centre de la première conférence internationale consacrée au landfill mining, organisée à Londres, jeudi 9 octobre.

Le landfill mining ? Le terme anglais, employé tel quel par les spécialistes, peut être traduit par "exploitation des décharges". Le concept est né en 1953, quand les matières organiques contenues dans une décharge de la région de Tel-Aviv en ont été extraites afin d'enrichir les sols d'exploitations de citronniers.

Depuis, il n'a fait que vivoter. William Hogland s'y est intéressé en 1995. "Je pensais alors que le monde était prêt, mais je me suis trompé, dit cet universitaire suédois. Il a d'abord fallu que les problèmes énergétiques s'aggravent et que les prix des matières premières s'envolent, mais cette fois, c'est le moment."

Tous les participants à la conférence de Londres ne sont pas aussi affirmatifs, mais la présence d'une centaine de délégués, venus d'Europe mais aussi d'Iran, du Pakistan, de Malaisie, d'Afrique du Sud et des Etats-Unis, atteste de l'intérêt porté au sujet. Car les décharges, notamment les plus anciennes, contiennent des métaux et des plastiques qui pourraient être recyclés, ainsi que les matières (papiers, bois, plastiques) permettant de confectionner des combustibles de substitution. Un point qui suscite un vif intérêt de l'industrie du ciment, très énergivore et à la recherche de combustibles bon marché.

Le gisement est considérable. Selon les participants à la conférence de Londres, 3,2 milliards de tonnes de matériaux recyclables auront été enfouis en décharge entre 1975 et 2015, rien qu'au Royaume-Uni. Les décharges américaines contiendraient à elles seules 400 millions de tonnes d'acier. "La concentration d'aluminium est plus forte dans certaines décharges américaines que dans la bauxite elle-même", assure Mark Johnson, du fonds de soutien britannique Biffaward.

Pourtant, les avis divergent sur l'intérêt économique du landfill mining. "C'est un exercice coûteux qui n'est pas rentable à l'heure actuelle", estime le représentant d'un gestionnaire néerlandais de décharges. Le risque économique est important : en l'absence de données précises, il est presque toujours impossible de savoir quelles matières contient une décharge. De plus, la réouverture d'un site pose des problèmes sanitaires, environnementaux et de sécurité, notamment en cas de présence de déchets dangereux.

Selon Robert McCaffrey, géologue et coordonnateur de la conférence, le landfill mining ne peut trouver un équilibre économique qu'en multipliant les flux de matières. "Si on ne s'intéresse qu'à une seule substance, on passe à côté, assure-t-il. La séparation des matières est la clé du problème."

L'exploitation des décharges peut présenter d'autres avantages : résoudre un problème d'infiltrations provoqué par la présence ancienne de déchets, libérer de l'espace pour des projets fonciers, créer de nouveaux espaces de stockage dans la décharge... "Chaque décharge est unique", ont répété les participants. "Chacune a ses singularités, qui reflètent des facteurs économiques, sociaux ou culturels locaux", insiste Dirk Lechtenberg, un consultant allemand.

Les représentants de Suez et Veolia, les deux grands opérateurs français du secteur des déchets, sont restés prudents sur l'avenir du landfill mining. "Le message à retenir est celui-ci : continuons à trier et à recycler pour ne pas avoir à aller chercher un jour des ressources que nous aurons laissé partir en décharge", conclut Philippe Belbèze, de Veolia Propreté.

LM

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