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Edito : Conférence de Vienne sur le réchauffement climatique : un tournant dans la lutte contre les émissions de gaz à effet ?

Les pays industrialisés ont décidé, non sans mal, le 31-08-2007, d'envisager une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020, afin de progresser vers la définition d'un pacte de lutte à long terme contre le réchauffement climatique. Un millier de délégués des 158 pays représentés aux discussions organisées à Vienne sous l'égide de l'Onu du 27 au 31 août ont évoqué pour 2020 une réduction des émissions d'entre 25 % et 40 % par rapport à leurs niveaux de 1990.

Cet objectif, bien que pour l'instant non contraignant, constitue un tournant dans la volonté de la communauté internationale de prendre à bras le corps le défi du réchauffement climatique. Il servira de base de départ aux travaux devant aboutir à un nouveau pacte sur le climat à l'expiration du protocole de Kyoto en 2012. Les délégués ont déclaré en conclusion de leurs travaux que cette fourchette de 25-40 % "fournit des critères préliminaires utiles pour le degré général d'ambition en ce qui concerne des réductions supplémentaires des émissions".

L'accord de principe trouvé à Vienne a été conclu en toute fin de conférence alors que, quelques heures auparavant, le Canada, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Russie et la Suisse semblaient encore s'opposer aux objectifs proposés. "Nous sommes parvenus à un large accord sur les principaux sujets", a souligné le négociateur de la Grenade, Leon Charles, l'un des organisateurs de la conférence de Vienne. Les objectifs définis pour 2020 ne sont pas contraignants, mais ils sont destinés à montrer la bonne volonté des pays industrialisés dans le domaine de la réduction des émissions et à lancer un signal fort en direction des pays en voie de développement.

Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la CCNUCC, a d'ailleurs souligné que cet accord devait également montrer la voie aux pays en développement. "Même si les pays industrialisés font cela (se conforment à ces objectifs, NDLR), ce ne sera qu'une contribution à l'effort global", a déclaré le responsable onusien aux journalistes après l'annonce de l'accord. Lors des négociations, l'Union européenne avait fait pression en faveur de l'objectif envisagé de baisse des GES d'ici 2020.

Les Vingt-Sept se sont déjà engagés à réduire leurs émissions de 20 % à cette date. L'Union européenne et les pays en développement souhaitaient une formulation plus ambitieuse. Les ministres de l'Ecologie des pays concernés doivent se retrouver en décembre à Bali (Indonésie) pour lancer officiellement des négociations sur un nouveau traité de lutte contre le réchauffement climatique, attendu avant fin 2009.

Cette année, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, constitué de plusieurs centaines de scientifiques réunis sous l'égide de l'ONU, a publié trois rapports pour souligner la nécessité pour l'humanité d'agir rapidement contre le réchauffement climatique et a esquissé des solutions. Selon les travaux synthétisés par le Groupe international d'experts sur le climat (GIEC), 89 % des changements climatiques observés corroborent la thèse d'un réchauffement mondial, notamment le blanchiment des récifs coralliens, les inondations de régions côtières, l'alourdissement du traitement de certaines maladies, les décès liés à la chaleur et les risques d'extinction d'espèces animales et végétales.

Le niveau des mers devrait quant à lui s'élever de 18 à 59 centimètres mais continuera vraisemblablement à augmenter durant plusieurs siècles, même si les émissions de gaz à effet de serre se stabilisent. En effet, la chaleur des eaux proches de la surface continuera à se diffuser aux couches profondes, qui se dilateront à mesure que leur température augmentera. À cause de ce seul phénomène, le niveau des mers pourrait monter de 40 centimètres à 3,70 mètres au cours des prochains siècles, cette estimation ne tenant pas compte de la fonte des glaciers et des banquises polaires.

Le GIEC souligne que le dépassement du seuil des 550 ppm de CO2 dans l'atmosphère terrestre risque de précipiter un «changement climatique catastrophique». De nouvelles études indiquent même qu'au-delà de ce seuil, le contrôle du climat planétaire pourrait s'avérer impossible en raison d'un phénomène d'emballement des grands facteurs qui stabilisent actuellement le climat. La proposition de limiter les émissions terrestres à 450 ppm fait partie de celles qui atterriront sur la table des délégués de la conférence de Bali, en Indonésie, en décembre. Ces pourparlers lanceront les négociations sur les réductions de GES applicables à la deuxième phase du protocole de Kyoto (2012-20).

L'UNCC a estimé dans un rapport qu'environ 150 milliards d'euros d'investissements (de 03 à 05 % du produit mondial brut) seront nécessaires d'ici à 2030 pour maintenir à leur niveau actuel les émissions de gaz à effet de serre. « L'efficacité énergétique est le moyen le plus prometteur pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à court terme » et ralentir le réchauffement climatique a déclaré Yvo de Boer, le directeur du Secrétariat des Nations Unies pour le Réchauffement Climatique, en présentant le rapport lors du meeting de Vienne. L'efficacité énergétique impliquerait des standards plus durs en terme d'utilisation d'énergies fossiles pour les voitures, les usines, les centrales électriques au charbon ou les bâtiments.

Ces investissements devraient permettre de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre, sans pour autant parvenir à les réduire. Selon l'UNFCCC, il faudrait non seulement accélérer les investissements réalisés dans les énergies renouvelables, mais également améliorer l'efficacité énergétique des transports, de l'industrie et de la construction, et développer l'exploitation durable des forêts.

En France, une enquête très révélatrice sur l'énergie a été réalisée en janvier 2007 par le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), à la demande de l'Observatoire de l'énergie (OE). Parmi les 2.009 personnes interrogées, 56 % des Français pensent qu'il faudrait changer nos modes de vie pour limiter l'effet de serre. Un programme d'actions couvrant les transports, les activités industrielles et les choix énergétiques leur paraît indispensable.

On voit donc que l'opinion publique a pris conscience de la nécessité d'une véritable mutation de société intégrant non seulement de nouveaux choix énergétiques mais également de nouveaux modes de production et de consommation des biens et services intrinsèquement respectueux de l'environnement. Il reste à présent aux responsables politiques à entendre le message qu'expriment avec force et clarté les citoyens et à prendre des initiatives fortes et audacieuses qui soient enfin à la hauteur du défi de civilisation qui nous attend.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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