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Des chercheurs découvrent comment attirer les neurones vers certaines zones du cerveau

Des neurobiologistes de l'Institut Pasteur de Paris et du CNRS travaillant avec une équipe allemande ont annoncé il y a quelques jours, qu'ils étaient parvenus à identifier, chez la souris, une molécule qui a pour propriété d'"attirer" les neurones et de les "guider" vers certaines régions cérébrales. Outre une meilleure compréhension, à l'échelon moléculaire, des mécanismes fondamentaux des circuits neuronaux, cette découverte ouvre des perspectives prometteuses pour le développement de futures thérapies cellulaires régénératrices du cerveau. Les travaux, dirigés par le docteur Pierre-Marie Lledo (unité perception et mémoire olfactive du CNRS), ont porté sur le bulbe olfactif, une structure cérébrale qui intéresse au plus haut point les neurobiologistes. Il est en effet établi depuis peu que cette structure, qui joue un rôle-clé dans la perception sensorielle et la représentation des odeurs, est le siège d'une production constante de nouveaux neurones à partir de cellules souches. Chez la souris, on estime que 80 000 de ces neurones sont produits quotidiennement, soit le remplacement d'environ 1 % de ceux qui sont impliqués dans le système olfactif. L'équipe de Pierre-Marie Lledo avait déjà, en 2003, démontré que les neurones nouvellement produits au niveau du bulbe olfactif peuvent établir de nouvelles connexions cérébrales."Cette capacité permet au cerveau adulte de s'adapter aux changements qui surviennent au cours de la vie. Elle lui offre également la possibilité de se réparer en cas de lésion ou maladie, explique le chercheur de l'Institut Pasteur. Il nous restait à comprendre comment des cellules souches sont conduites vers les zones à remplacer ou à réparer." En collaboration avec l'équipe du professeur Melitta Schachner (université de Hambourg, Allemagne), les chercheurs français démontrent aujourd'hui, chez la souris adulte, que c'est une molécule - dénommée ténascine - sécrétée dans le bulbe olfactif qui attire des neurones immatures. Parvenues jusqu'à cette structure, les jeunes cellules se différencient en neurones et parviennent à maturité. Pour le docteur Lledo, ces résultats enrichissent les connaissances sur les mécanismes cérébraux assurant le câblage des réseaux et les processus mnésiques. Ils fournissent aussi un éclairage entièrement nouveau sur les fonctions réparatrices du système nerveux central. A ce titre, ils pourraient contribuer à élaborer de nouvelles stratégies thérapeutiques détournant des neurones nouvellement formés depuis leur zone germinative vers des régions lésées afin de les régénérer. "Nous sommes en train de créer des protocoles expérimentaux chez la souris, puis, plus tard, chez le macaque, dans des modèles où ces animaux sont porteurs de lésions similaires à celles des victimes de la maladie de Parkinson", précise le docteur Lledo. Ces résultats ne peuvent pas ne pas être rapprochés de ceux publiés dans les colonnes de l'hebdomadaire scientifique Nature(daté du 19 février) par une équipe de chercheurs des universités de San Francisco (Etats-Unis) et de Valence (Espagne). Travaillant sur des échantillons de tissu cérébral humain prélevés lors d'interventions neurochirurgicales d'autopsies, ce groupe de chercheurs, dirigé par Mitchel S. Berger et Arturo Alvarez-Buylla, avait identifié ces cellules semblables aux cellules souches présentes dans le cerveau des souris adultes. Au terme d'une série d'expérimentations, ils concluaient que les cellules souches humaines ne présentaient pas toutes les caractéristiques de leurs homologues murines. Ces cellules ne semblent notamment pas capables de se transformer naturellement en neurones. Dans les échantillons analysés, ces cellules ne montraient que des marqueurs moléculaires caractéristiques d'autres cellules nerveuses (astrocytes et oligodendrocytes). La même équipe concluait, d'autre part, que les flux migratoires intra-cérébraux de ces cellules souches vers le bulbe olfactif semblaient ne pas exister chez l'homme. Dans un commentaire accompagnant la publication de Nature, Pasko Rakic, chercheur au département de neurobiologie de l'université médicale de Yale (New Haven, Connecticut), suggère que le phénomènede blocage observé chez l'homme pouvait résulter d'une adaptation permettant de "garder pour la vie entière des populations de neurones et toute leur expérience accumulée" (Le Monde du 25 février). Les résultats obtenus aujourd'hui par l'équipe française laissent penser que l'on pourra peut-être, à partir de l'usage de la ténascine, dépasser ce blocage des cellules souches humaines à des fins thérapeutiques. Ils viennent aussi bouleverser un peu plus les conceptions concernant les structures et les fonctions cérébrales ainsi que la genèse et la dynamique neuronales. Au vu de l'hypothèse avancée par Pasko Rakic une question est soulevée : que restera-t-il des avantages mnésiques inhérents au blocage des cellules souches neuronales humaines dès lors que l'on aura, pour des raisons thérapeutiques, obtenu qu'elles se différencient ?

Le Monde :

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-358501,0.html

Nature Neuroscience :

http://www.nature.com/cgi-taf/DynaPage.taf?file=/neuro/journal/v7/n4/abs/nn1211.html

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