RTFlash

Edito : Cancer : la révolution thérapeutique des thérapies ciblées est en marche

Un vent d'optimisme a soufflé à l'occasion du grand congrès mondial de cancérologie qui vient de se tenir à Chicago (Asco). Au cours de cette manifestation, les scientifiques ont présenté des études très encourageantes sur les résultats des nouvelles thérapies ciblées. Pour le cancer du colon, ces thérapies sont à l'origine de survies qui peuvent dépasser les deux ans chez des patients non opérables et l'arrivée des anticorps monoclonaux a révolutionné la prise en charge du cancer du colon, un fléau qui touche environ 37.000 nouveaux cas et entraîne plus de 16.500 décès par an en France.

Une panoplie de thérapies ciblées est désormais sur le marché et une vingtaine de biomédicaments, majoritairement des anticorps monoclonaux, sont actuellement expérimentés sur l'homme. Ces molécules agissent comme des interrupteurs. Elles bloquent la cascade d'informations qui se propagent à l'intérieur d'une cellule malade pour d'atteindre l'ADN logé dans le noyau.

Pour le cancer du sein, qui touche plus de 40.000 femmes par an en France, les progrès sont également remarquables. C'est un autre anticorps monoclonal qui est à l'origine de ces avancées : l'Herceptin. « Le blocage du récepteur Her 2 est un élément clef dans le contrôle de la maladie. En Europe, près d'une femme sur neuf croisera le cancer du sein dans sa vie et environ 25 % d'entre elles surexpriment ce récepteur spécifique. La Commission européenne vient d'autoriser la mise sur le marché du lapatinib (Tyverb®, GSK) contre les cancers du sein avancés métastatiques sur-exprimant les récepteurs HER-2, caractéristiques des cellules tumorales qui gouvernent la formation de métastases. Le lapatinib est le premier traitement ciblé par voie orale dans le cancer du sein métastatique.

Autre avancée remarquable, une équipe du Fred Hutchinson Center de Seattle est parvenue à traiter avec succés un patient atteint de mélanome malin métastasé avec des lymphocytes CD4+ autologues. Deux mois après le traitement, un nouveau bilan d'extension (par scanner et TEP scan) a montré une disparition complète des métastases ganglionnaires et pulmonaires sans apparition de nouvelles localisations. Avec un recul de 26 mois, le patient demeure en rémission complète sans aucun autre traitement.

Résultat de ces avancées : les classifications de malades en sous-groupes se multiplient, chacun correspondant à un traitement spécifique et la plupart des cancérologues estiment que les protocoles vont devoir être complètement revus d'ici à 2010, pour prendre en compte l'arrivée de ces thérapies innovantes. « L'avenir de la cancérologie est dans l'association de plusieurs anticorps monoclonaux ciblés », n'hésite pas à dire Joseph Gligorov, de l'hôpital Tenon à Paris, qui prévoit la disparition, à terme, des chimiothérapies traditionnelles.

Mais les anticorps monoclonaux ne sont qu'un des nouveaux angles d'attaque contre le cancer et d'autres approches très prometteuses sont également à l'étude. Par exemple, une molécule découverte par des chercheurs du Centre national de la Recherche Scientifique (CNRS) parvient à bloquer à la fois la multiplication des cellules cancéreuses et la formation des vaisseaux qui nourrissent la tumeur.

Cette molécule baptisée HB-19 cible spécifiquement une protéine nécessaire à la croissance des tumeurs appelée "nucléoline de surface", mais s'attaque aussi à l'"angiogénèse", en d'autres termes la formation de nouveaux vaisseaux sanguins indispensables qui apportent de la "nourriture" à la tumeur. Résultat, ce traitement expérimental a entraîné chez l'animal une "inhibition significative de la progression de tumeurs. Le CNRS dispose d'un brevet protégeant cette découverte et développe une famille de composés de deuxième génération plus efficaces encore qu'HB-19 qui devrait faire l'objet d'une étude clinique préliminaire (dite de phase 1) dès 2009.

Dans la lutte contre le cancer, les chercheurs mobilisent également toutes les ressources de la physique. Une équipe de chercheurs travaille à Bordeaux sur une nouvelle technique déjà employée avec succès contre certains cancers de la prostate pour combattre le cancer du sein par les ultrasons. Ce traitement sera testé d'ici la fin de l'année sur une dizaine de patientes.

Sur le plan fondamental, la compréhension des mécanismes cellulaires complexes liés au cancer fait également des progrès constants. Une équipe de chercheurs de l'Université de Duke School of Medicine vient ainsi de découvrit pourquoi les cellules cancéreuses ont autant d'affinité avec le sucre. Jonathan Coloff et Jeffrey Rathmell ont en effet démontré que le maintien du métabolisme du glucose dans les cellules tumorales leur permettait d'éviter d'entrer dans le processus d'apoptose.

Pour maintenir ce taux, les cellules tumorales utiliseraient la protéine Akt, influençant ainsi le fonctionnement de toute une famille de protéines essentielles pour la survie des cellules. Selon les chercheurs, Akt empêcherait l'action de Mcl-1 et Puma qui sont des protéines activées lors du processus de l'apoptose en absence de facteurs de croissance. Cette dépendance au glucose chez les cellules cancéreuses pourrait permettre de découvrir, dans des recherches futures, une voie métabolique alternative pour le traitement du cancer.

Par ailleurs, un nouveau mécanisme de communication des cellules tumorales vient d'être mis à jour par l'équipe du Docteur Janusz Rak de l'Institut de recherche du Centre Universitaire de Santé McGill (CUSM), en collaboration avec le Docteur Guha de l'Université de Toronto. Ainsi, les cellules cancéreuses peuvent communiquer avec d'autres cellules, saines ou moins malignes, en émettant des vésicules.

Ces structures en forme de bulles contiennent des protéines oncogènes (qui causent le cancer) qui peuvent déclencher des mécanismes spécifiques à l'intérieur des cellules avec lesquelles elles fusionnent. Ces découvertes pourraient mener à des innovations cliniques majeures. Cette découverte montre que le cancer est un processus multicellulaire et remet en question la vision traditionnelle d'une unique cellule « mutée » qui se multiplie de façon incontrôlée jusqu'à former une tumeur. Elle ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques très intéressantes.

Enfin, une récente étude réalisée par l'Université de San Francisco vient de montrer qu'une modification du mode de vie comprenant un changement d'alimentation et la pratique régulière d'exercices physiques pouvait avoir un impact sensible et très positif en ralentissant ou inhibant l'expression d'une multitude de gènes, dont certains (RAN et Shoc2) sont fortement impliqués dans le déclenchement de plusieurs types de cancers.

Même si nous devons rester prudents et ne pas donner de faux espoirs aux malades nous pouvons affirmer que nous vivons véritablement un tournant dans la lutte mais aussi la prévention active contre le cancer. C'est pourquoi nous devons poursuivre l'effort de recherche et de coordination des soins relancé par le plan "cancer" de Jacques Chirac et nous fixer, au niveau national et européen, de nouveaux objectifs ambitieux visant à mobiliser toutes les ressource de l'intelligence humaine pour amplifier ces avancées sur tous les fronts et vaincre cette maladie à l'horizon 2030.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Noter cet article :

 

Recommander cet article :

back-to-top