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Edito : Cancer : mieux cerner les causes pour mieux prévenir ce fléau

lors que le plan cancer lancé par le Président Chirac le 24 mars 2003 entre dans sa phase active et commence à porter ses fruits, la revue « Science&Vie » publie, dans son numéro de juin, une passionnante enquête (malheureusement non disponible en ligne) sur l'état des lieux concernant l'épidémiologie et les causes de cette maladie multiforme, qui touche 280.000 de nos concitoyens chaque année et constitue la 2ème cause de mortalité en France derrière les maladies cardio-vasculaires. Premier enseignement de cette enquête, le cancer ne cesse de progresser. En France, son incidence a augmenté de 63 % en 20 ans, soit 108.000 cas de cancer en plus en 2000 par rapport à 1980. S'appuyant sur les chiffres avancés par l'Institut de veille sanitaire dans un rapport publié en 2003, le mensuel souligne qu'à elle seule, la démographie explique 57.000 des cas surnuméraires. On sait en effet que 2 cancers sur 3 surviennent après 60 ans et que plus la population vieillit plus le risque global de cancer augmente. Concernant les quelque 51.000 cas restants, les causes sont multiples et leur analyse est très intéressante. En premier lieu, il faut souligner les progrès dans le dépistage de certaines tumeurs, notamment des tumeurs de la prostate, dont le dépistage ne s'est organisé qu'en 1985. Même phénomène pour le cancer du sein pour lequel le meilleur dépistage aurait permis de dépister des cas supplémentaires, au total 21 % de la hausse globale des cancers de la femme. Au total, les progrès du diagnostic et du dépistage seraient responsables de 12.600 de ces 51.000 cancers non liés au vieillissement. Mais il reste 38.400 cas surnuméraires (soit plus du tiers de ces nouveaux cas) qui ne sont pas liés à la démographie ou aux progrès du dépistage. Outre le tabac, dont la responsabilité n'est plus à établir et qui serait responsable à lui tout seul d'environ 2.000 cas supplémentaires de tumeurs pulmonaires, le mensuel souligne la responsabilité de l'amiante, un matériau qui a progressivement conquis l'industrie du bâtiment, à qui l'on doit le cancer de la plèvre, dont la progression est parmi les plus fortes observées (+ 160 %) en vingt ans, soit 200 nouveaux cas. Viennent ensuite les hépatites B et C, à l'origine de cancers du foie, le soleil, à l'origine de mélanomes. Mais là il devient très difficile de chiffrer les nouveaux cas de cancer. Enfin, et c'est incontestablement dans ces domaines épidémiologiques encore très mal connus qu'un effort de recherche important est indispensable, on commence à mesurer à quel point certains aspects de l'hygiène de vie, comme l'exercice physique ou l'alimentation, jouent un rôle important dans la prévention d'un grand nombre de cancers. Dans ce domaine de la prévention liée à l'hygiène de vie, un effort considérable doit être fait sur le long terme car nous savons aujourd'hui que la pratique d'un exercice physique régulier et certains changements de comportement alimentaire peuvent agir en synergie pour prévenir l'apparition d'un grand nombre de cancers. A terme, il serait même possible de passer d'une prévention alimentaire « passive » (éviter la consommation excessive de certains aliments) à une prévention active, car il est à présent scientifiquement prouvé que la consommation régulière de certains aliments peut prévenir de manière spécifique et puissante l'apparition de certains cancers parmi les plus fréquents, comme le cancer du colon ou de la prostate. Reste les très nombreux facteurs environnementaux, pollution et contact avec des substances chimiques, pour lesquels nos connaissances restent très lacunaires. S'agissant notamment des produits chimiques, on estime que plus de 100.000 substances différentes sont générées par nos sociétés industrielles. Parmi celles-ci l'Union européenne a établi en 1993 une liste de 141 molécules suspectes dont l'impact en matière de santé a été confié aux états membres. Aujourd'hui, les résultats commencent à tomber : Pour 77 de ces composés, les instances sanitaires européennes écartent tout risque de cancer. S'agissant des 64 molécules restantes, 21 ont fait l'objet d'études poussées et 19 de ces molécules présenteraient un risque avéré en matière de cancer. Il est certain qu'une évaluation plus rapide et plus précise du degré cancérigène des nouvelles substances chimiques générées sans cesse par notre société constitue un des principaux défis scientifiques et industriels de ces prochaines années en matière de santé publique. Dans ce domaine clé, les biotechnologies ont un véritable défi à relever au cours de ces prochaines années. Bien que cette augmentation importante des nouveaux cas de cancers constitue évidemment une préoccupation majeure en matière de santé publique et un défi pour la recherche médicale, il faut tout de même rappeler un fait remarquable : même si le nombre de nouveaux cas a augmenté de 63 % entre 1980 et 2000, dans le même temps, le nombre de décès n'a, lui, augmenté que de 20 % (en passant de 125.000 à 150.000). Mais en tenant compte de l'accroissement démographique, les experts en épidémiologie constatent finalement que le taux de mortalité a reculé de 9 % durant cette même période. Cette décroissance continue de la mortalité « nette » par cancer est également observée au niveau européen et, depuis une dizaine d'années, aux Etats-Unis. Aujourd'hui, la mortalité par cancer connaît, dans nos pays développés, un recul historique, grâce aux progrès du dépistage et des traitements, et l'on guérit à présent plus d'un cancer sur 2. Mais nous devons maintenant faire entrer la lutte contre le cancer dans une nouvelle phase, celle de la prévention active et personnalisée, grâce aux progrès de la génétique, de la génomique et du dépistage précoce, mais aussi celle d'une modification profonde de nos modes de vie : diminution et contrôle des différentes formes de pollution, extension du principe de précaution et adoption d'une hygiène de vie personnelle qui puisse prévenir activement un grand nombre de cancers. C'est la mise en oeuvre de cette nouvelle étape qui permettra dans la durée non seulement de guérir de plus en plus de cancers mais de réduire à la source l'apparition de nouveaux cas de cancers. Le combat contre le cancer sera encore long et difficile mais avec la volonté politique affirmée par le Président de la République, et les nouveaux moyens mobilisés sur la durée par le plan cancer, nous avons à présent la certitude que ce fléau peut être vaincu.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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