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Edito : Cancer : l'hygiène de vie doit devenir notre première arme de prévention

Il y a quelques semaines, cinq études américaines passionnantes sont venues confirmer l'impact déterminant de notre mode de vie dans le déclenchement du cancer de la prostate. Il faut rappeler que chez l'homme et dans les pays développés, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent et la 2ème cause de décès par cancer. Il y actuellement 40 000 nouveaux cas par an en France et un homme sur neuf présentera au cours de sa vie une forme clinique de cancer de la prostate. Le cancer de la prostate représente donc un véritable défi en matière de santé publique dans notre pays.

La première étude, publiée dans l'International Journal of Cancer" (International Journal of Cancer, septembre 2005, vol. 116, p. 592-598) confirme le lien entre une alimentation riche en produits céréaliers raffinés, produits industriels carnés (bacon, lardons, viande rouge et abats), et un risque accru de cancer de la prostate. Quatre-vingts hommes atteints d'un cancer de la prostate et 334 sujets contrôles ont participé entre 1997 et 1999 à l'étude dite cas-contrôle menée par le Dr Kristan J. Aronson à l'Université Queen à Kingston au Canada.

Les patients devaient remplir des questionnaires sur leurs habitudes alimentaires antérieures au diagnostic de cancer de la prostate et au cours des deux ans qui ont précédé leur inclusion dans l'étude. Les chercheurs ont alors identifié quatre types de régime : "bien-être", "occidental traditionnel", "processed diet", et "boissons". Le régime alimentaire décrit sous le terme "processed diet" était composé de produits industriels carnés, de viande rouge, d'abats, de céréales raffinées, d'oignons et de tomates, d'huile végétale, de jus, de sodas, d'eau minérale. Les hommes adeptes de ce type d'alimentation avaient près de trois fois plus de risque de développer un cancer de la prostate que les autres.

Le régime alimentaire de type occidental faisait la part belle à la viande rouge, aux produits industriels carnés, aux abats, aux oeufs, au lait, aux pommes de terre, aux desserts, à la mayonnaise, aux noix, à l'eau du robinet et aux boissons alcoolisées. Il était également associé à un risque plus élevé de cancer de la prostate, mais de façon beaucoup moins nette.

En revanche, les deux autres types de régimes alimentaires (le régime "bien-être" caractérisé par un large apport en fruits et légumes, en céréales non raffinées, en poissons et volailles, et le régime "boissons" dans lequel prédominent l'eau du robinet, les sodas, les jus de fruits, les pommes de terre, la volaille et la margarine, avec absence de boissons alcoolisées) n'ont pas favorisé le développement du cancer de la prostate. "Ces résultats confortent l'idée selon laquelle la consommation de fruits, de légumes et de volailles peut être associée à une diminution du risque de cancer de la prostate et celle de viande, de céréales raffinées et de sodas à un risque plus élevé de ce risque", concluent les auteurs.

Les résultats de la seconde étude sont encore plus remarquables car ils montrent que les individus de sexe masculin débutant un cancer de la prostate et qui adoptent un changement de leur régime alimentaire et de leur mode de vie peuvent connaître un arrêt ou même une inversion de l'évolution de leur maladie. Placée sous la direction de Dean Ornish et Peter Carroll, de l'Université de Californie (San Francisco, Etats-Unis), et de William Fair, du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (New York, Etats-Unis), une équipe de chercheurs a étudié 93 individus de sexe masculin dont la biopsie révélait un cancer de la prostate. Ils ont été divisés en deux groupes, l'un à qui il a été demandé d'accomplir des changements significatifs de régime alimentaire et de mode de vie, et l'autre, pour lequel cela n'était pas le cas, servant de groupe témoin.

Au bout d'un an, les chercheurs ont observé que les niveaux de PSA, une protéine secrétée par la prostate, qui augmente en cas de cancer de celle-ci, avaient décru à l'intérieur du premier groupe pendant qu'ils croissaient dans l'autre groupe, soit une corrélation directe entre le degré de modification du mode de vie et les changements de niveaux de PSA. Ils ont en outre observé que le sérum provenant des participants inhibait le développement de la tumeur de la prostate in vitro à hauteur de 70 % dans le groupe où les changements étaient intervenus, et de 9 % seulement dans le groupe témoin, autre corrélation entre le degré de modification du mode de vie et l'inhibition du développement de la tumeur.

Aucun des individus ayant modifié leur style de vie ne suivait de traitements conventionnels de tumeurs de la prostate tels que la chirurgie ou la chimiothérapie, durant la période de l'étude. Par contre, six membres du groupe témoin suivaient des traitements conventionnels parce que leur maladie progressait. Le régime alimentaire modifié consistait en premier lieu à consommer des fruits et légumes, des féculents, des légumes supplémentés en minéraux et vitamines. Les individus concernés participaient à des exercices modérés d'aérobie, des séances de yoga/méditation et à une session hebdomadaire de groupe de soutien. Il a été noté en outre une amélioration de leur qualité de vie.

La troisième étude de grande envergure établit un lien très net entre la pratique d'un exercice physique régulier et la diminution du risque de cancer de la prostate. Cette vaste étude a été réalisée sur près de 50.000 Américains recrutés en 1986, alors en bonne santé et exerçant une activité professionnelle. Quatorze ans plus tard, 2.900 cas de cancer de la prostate ont été enregistrés, dont 480 cancers de haut grade. Après analyse des données, les auteurs ont observé une association significative entre l'intensité de l'activité physique et l'incidence des tumeurs. Ainsi, les cancers de la prostate de haut grade sont minorés de 70 % chez les hommes effectuant plus de trois heures de sport par semaine : natation, vélo, squash, tennis, course à pied, marche...

La quatrième étude, réalisée par des chercheurs de l'Université du Texas, montre qu'il existe une forte corrélation entre l'évolution pondérale et le poids du patient au moment où il développe un cancer de la prostate et l'évolution agressive de son cancer après traitement. Il semble que les patients qui présentent un IMC (Indice de Masse Corporel) de 35 au moment ou se déclare leur cancer de la prostate aient un risque de récidive de leur cancer augmenté de 60 % par rapport aux patients ayant un IMC normal (inférieur à 25).

Enfin, la cinquième étude, réalisée par des chercheurs de la Case Western Reserve University à Cleveland (Ohio), montre que certains flavonoïdes (une catégorie d'anti-oxydants), et notamment l'apigénine, contenue dans les fruits et légumes, exerçaient un puissant effet protecteur contre le cancer de la prostate, mais aussi contre les cancers du colon et du poumon.

Ces études convergent dans leurs résultats et démontrent de manière éclatante qu'une bonne hygiène de vie, associant une alimentation équilibrée (peu d'alcool, beaucoup de fruits de légumes et de poisson, peu de viande rouge), un contrôle du poids et la pratique d'un exercice physique quotidien, peut réduire dans des proportions considérables (plus des deux tiers) les risques de cancer de la prostate et de récidive de ce cancer, et sans doute aussi les risques d'autres cancers dans des proportions qui restent à évaluer. Mais l'enseignement encore plus étonnant de ces études est que l'adoption d'une bonne hygiène de vie peut également contribuer à mieux combattre la maladie lorsque celle-ci est déjà déclarée.

Il serait donc souhaitable, à la lumière de ces études, que la diététique et l'hygiène de vie fassent l'objet d'un enseignement en tant que matières à parts entières dès l'école primaire, et pendant tout le cursus scolaire, afin que nos enfants, en adoptant très tôt de bons comportements alimentaires et de bonnes règles de vie, puissent bénéficier d'une diminution très importante des risques de cancer lorsqu'ils seront adultes.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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