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Edito : Cancer : le grand basculement

Selon une étude sans précédent par son ampleur, révélée le 27 février 2007 par la Ligue nationale contre le cancer et réalisée par le Réseau français des registres du cancer, sur quelque 205.000 patients atteints d'un cancer, la survie relative vient enfin de franchir la barre des 50 % pour atteindre 52 %, cinq ans après le diagnostic de la maladie.

L'étude a été menée auprès de 205.000 personnes âgées de plus de 15 ans atteintes d'un cancer, et diagnostiquées sur la période 1989-1997. Plus de 40 cancers différents ont été étudiés. Entre 1989 et 2002, 205 000 personnes âgées de plus 15 ans et atteintes d'un cancer ont été suivis par le Réseau français des Registres du Cancer (FRANCIM). Cette étude a permis de mesurer la survie de ces patients au delà de 5 ans. Elle a notamment révélé que les chances de survie sont plus élevées pour les femmes que pour les hommes.

L'analyse des données confirme qu'aujourd'hui moins de la moitié des patients décèdent des conséquences directes ou indirectes de leur maladie dans les 5 ans qui suivent le diagnostic.

Toutefois, cette moyenne ne doit pas occulter la disparité qui existe entre les différentes pathologies cancéreuses. En effet, on obtient une survie relative de 95 % à 5 ans dans les cancers de la thyroïde, du testicule et de la lèvre, mais moins de 10 % à 5 ans pour les mésothéliomes de la plèvre, les cancers du foie et du pancréas. Dans les faits, le Réseau français des Registres du Cancer note en effet d'importantes disparités au niveau de l'espérance de vie des patients, en fonction du sexe, de l'âge et du type de cancer. La survie au-delà des 5 ans est plus élevée chez les femmes (63 %) que chez les hommes (44 %).

L'espérance de survie diminue avec l'augmentation de l'âge au moment du diagnostic. Elle est de 70 % pour les 15-45 ans, 58 % pour les 45-55 ans, 50 % pour les 55-64 ans et les 65-74 ans et de 39,4 % pour les plus de 75 ans. L'étude, bien que réalisée sur une période relativement courte, a en outre montré une amélioration de la survie pour certains cancers, a souligné le Professeur Faivre. C'est le cas du cancer du sein, avec 82 % de survie à 5 ans pour un diagnostic posé en 1989-91 et 86 % pour un diagnostic posé en 1995-97. Des progrès dus notamment à la mise en place du dépistage organisé.

Pour les quatre cancers les plus fréquents (60 % de l'ensemble des cancers), la survie relative à 5 ans est de 85 % pour le cancer du sein (41.845 nouveaux cas estimés en 2000), 80 % pour le cancer de la prostate (40.309), 56 % pour le cancer colorectal (31.257) et seulement 14 % pour le cancer du poumon (27.743). Si "on ne meurt pratiquement pas d'un cancer du testicule" (survie relative de 95 %), a souligné le Professeur Faivre, certains cancers donnent un taux de survie inférieur à 10 %, comme les cancers du foie ou du pancréas. La survie s'améliore aussi pour le cancer de la prostate (73 % pour un diagnostic en 1989-91 et 83 % pour un diagnostic en 1995-97), dont des formes bénignes sont plus fréquemment diagnostiquées. Sur les progrès enregistrés dans le traitement des cancers du sein, de la thyroïde ou de la prostate, ils concernent pour l'essentiel une meilleure précocité du diagnostic.

"Ces progrès qui ne concernent pas tous les cancers, laissent espérer de nouveaux gains d'espérance de survie", a déclaré le Professeur Pujol. Si l'on projetait le glissement attendu pour les malades traités aujourd'hui, on pourrait estimer que la survie serait proche de 70 % pour les femmes et 55 % pour les hommes" poursuit Le Professeur Pujol.

Cette étude confirme la baisse tendancielle de la mortalité par cancer dans notre pays. Entre 1980 et 2000, l'incidence des cancers a augmenté de 30 % mais la mortalité a diminué de 10 %. Ces résultats sont observés aussi bien chez l'homme que chez la femme. Ce taux progresse lentement mais régulièrement depuis 30 ans d'environ 0,5 % par an, comme le rappelait récemment le Professeur Philip. Si l'on tient compte de l'augmentation et du vieillissement de notre population, on constate que la mortalité par cancer diminue régulièrement en France depuis 1987 chez l'homme et depuis le milieu des années 1960 chez la femme. Mais à présent, en franchissant la barre symbolique des 50 % de survie à 5 ans, la lutte contre le cancer est entrée dans une nouvelle étape.

Cette diminution de la mortalité par cancer s'observe également dans la plupart des pays développés et notamment aux Etats-Unis où la mortalité par cancer s'est stabilisée depuis 1997, après avoir régulièrement augmenté entre 1987 et 1997, passant de 460.000 à 540.000 morts. Fait encore plus remarquable, le nombre annuel de nouveaux cas de cancers aux USA, pondéré par l'évolution démographique, diminue en moyenne de 0,8 % par an entre 1990 et 1997 et la mortalité par cancer a diminué de 1,1 % par an en moyenne de 1993 à 2001. Les données du National Center for Health Statistics, pour 2003 et 2004, confirment cette baisse tendancielle des décès par cancer et révèlent une diminution des décès par cancer de 2,2 % en 2003. Aux Etats-Unis, Le nombre des survivants de la maladie --rémission d'au moins cinq ans-- est passé de 3 millions en 1971 à 9,8 millions en 2001.

Enfin, en février 2006, la société américaine du Cancer (ACS) a annoncé que, pour la première fois depuis 1930, le nombre de décès annuels par cancer aux Etats-Unis en 2003 avait légèrement diminué en valeur absolue (- 369 personnes). Certes, la mortalité par cancer diminuait régulièrement en pourcentage aux USA depuis 1993 (d'environ 1,5 % par an) mais les décès par cancer continuaient tout de même à augmenter en raison de l'augmentation globale de la population américaine.

Mais en 2003 on a assisté à la première diminution du nombre absolu de décès par cancers, avec 556.902 morts, contre 557.271 en 2002, selon le rapport par la société américaine du Cancer (ACS). "Bien que cette diminution paraisse modeste, elle marque une étape fondamentale dans la lutte contre la cancer", souligne le Docteur Michael Thun, qui dirige la recherche épidémiologique au sein de la société américaine du Cancer.

Le rapport 2007 de l'Association américaine contre le cancer confirme l'amplification de cette tendance historique et montre qu'en 2004, pour la deuxième année consécutive, la mortalité totale par cancer a diminué en valeur absolue aux USA de 3014 personnes, passant de 556.902 à 553.888 personnes, soit 3014 décès en moins. Parallèlement, ce rapport précise que le taux de survie à 5 ans après un cancer ne cesse de progresser aux USA. En 2007, 2 malades américaines sur 3 atteints d'un cancer sont encore en vie au bout de 5 ans.

Cette diminution globale et persistante de la mortalité par cancer sur le long terme est d'autant plus encourageante qu'elle survient alors que le nombre de nouveaux cas de cancer augmente régulièrement à la fois à cause de l'augmentation de notre population et de son vieillissement (2 cancers sur 3 se déclarent après 60 ans). Nous devons évidemment ces résultats aux progrès remarquables, tant au niveau de la détection que des traitements anti-cancéreux. Demain, l'arrivée de nouvelles armes encore plus efficaces, comme les vaccins thérapeutiques de 3e génération, les nanovecteurs ou les ARN interférents, vont permettre de nouvelles avancées décisives contre cette maladie qui reste la plus redoutée de nos concitoyens.

Mais la victoire définitive contre ce fléau passera également, et de plus en plus, par la prévention personnalisée et active, mise en oeuvre dès le plus jeune âge et conçue en fonction du profil génétique de chacun car on sait à présent que sans doute plus de deux cancers sur trois pourraient être évités ou sensiblement retardés en modifiant notre mode de vie.

Le président Chirac a donné à la lutte contre le cancer une nouvelle impulsion décisive et nous devons poursuivre sans relâche cet effort national pour que, d'ici une génération, le cancer ne soit plus une maladie mortelle et puisse être soit vaincu soit contrôlé pour devenir une maladie chronique. Cet objectif exaltant est à notre portée. A nous de nous donner les moyens de l'atteindre.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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