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Biocarburants : un bilan énergétique et environnemental en demi-teinte

Les débats qui se sont tenus récemment à Madrid dans le cadre des Rencontres européennes sur les biocarburants ont eu le mérite de mettre fin à un mythe : les biocarburants ne sont pas la panacée pour résoudre conjointement nos deux problèmes d'indépendance énergétique et de protection de l'environnement.

Ce sommet s'est tenu deux mois après l'engagement pris, au niveau européen, de porter à 10 % la part des biocarburants dans la consommation globale de carburants d'ici à 2020. Ces carburants « verts », utilisés en mélange avec l'essence et le gazole, représentent aujourd'hui 5,75 % de cette quantité. La France veut pour sa part aller encore plus vite, le premier ministre ayant affiché à l'automne 2005 l'ambitieux objectif de 7 % de taux d'incorporation en 2010 et 10 % dès 2015.

Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que le bilan environnemental des biocarburants est contrasté. Produits à partir de céréales ou de betteraves, ils représentent une source d'énergie renouvelable, qui émet 40 à 60 % de moins de gaz à effet de serre que l'essence et le gazole. Le transport étant la première source d'émissions du pays, les biocarburants pourraient ainsi contribuer à hauteur de 10 % à l'objectif de réduction prévu par le plan climat.

Mais pour atteindre l'objectif français, les cultures destinées aux biocarburants pourraient atteindre 1,5 à 2 millions d'hectares en 2010, soit cinq fois celles de 2004. Elles s'étendraient alors durablement en dehors de jachères. « Leur culture, si elle devient plus intensive, pourrait paradoxalement induire un impact négatif sur l'environnement », met en garde l'Institut français de l'environnement. Une utilisation massive d'engrais et de pesticides et un renforcement de l'irrigation nuiraient alors à « la biodiversité, la qualité des sols et la ressource en eau ».

Autre débat : les surfaces agricoles sont-elles suffisantes en Europe pour absorber une telle production ? « Oui, largement, répond sans hésiter Étienne Poitrat, responsable des biocarburants à l'Agence de l'environnement et la maîtrise de l'énergie (Ademe). Car la deuxième génération de biocarburants, à base de ligno-cellulose, va arriver sur le marché entre 2012 et 2020. » Or « la ligno-cellulose est la ressource la plus ubiquiste », confirme Ghislain Gosse, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Surtout, explique ce dernier, « les recherches portent sur le concept de plante entière qu'on essaie de valoriser, en conservant les résidus pour l'alimentation animale ».

Alors que se tenait ce sommet de Madrid sur les biocarburants, une étude publiée le 18 avril 2007 par la revue Environmental Science & Technologyr révélait, pour sa part, que l'éthanol pourrait finalement s'avérer plus polluant que l'essence. C'est en observant la dégradation de la qualité de l'air au Brésil dans les années 70 avec la large diffusion de l'éthanol, que Mark Jacobson, spécialiste en chimie atmosphérique à l'université de Stanford en Californie s'est penché sur les conséquences de ce carburant, un mélange composé à 85 % d'éthanol et 15 % d'essence sans plomb.

Le résultat est inquiétant puisque l'E85 présenterait "un risque égal voire plus grand pour la santé publique que l'essence seule" selon le scientifique. Pour arriver à cette conclusion, l'équipe de Jacobson a exploité un modèle sophistiqué de mesure de la composition atmosphérique avec deux scénarios hypothétiques pour 2020 aux Etats-Unis. Dans le premier, l'ensemble du pays roulerait à l'E85 tandis que dans le second le parc serait entièrement composé de motorisations à essence.

Selon cette projection, l'E85 provoquerait une hausse de la mortalité de 4 % sur l'ensemble des Etats-Unis et de 9 % à Los Angeles (où la géographie n'est pas favorable à la dispersion des polluants), accompagnée d'une augmentation du nombre d'hospitalisations dues à l'affaiblissement du système immunitaire et aux cas d'asthme. Le taux de cancer resterait quant à lui similaire à celui attribué à l'essence.

L'E85 "fait baisser le taux de présence de certains polluants, mais il en augmente d'autres" explique Mark Jacobson. Ainsi, il génère moins de benzène et de butadiène, qui accroissent l'effet de serre, mais augmente les concentrations d'acétaldéhyde (éthanal) et formaldéhyde (méthanal), deux composés organiques volatils (COV) précurseurs de l'ozone troposphérique.

A la lumière de cette évolution et de ces études sur l'impact réel des biocarburants en matière d'environnement, il apparaît donc de plus en plus urgent d'accélérer la mutation vers la production de biocarburants de deuxième génération (issus du bois notamment), afin de pouvoir réduire les conséquences néfastes des biocarburants pour l'environnement.

ES&T

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