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Edito : Les avancées de la biologie et de la physique remettent en cause le concept d'information

Décidément la science ne prend jamais de vacances. Dans la torpeur de l'été un article publié par la revue « Science », le 29 juillet, est venu remettre en cause l'une des lois fondamentales de la biologie. Stanley Prusiner, Prix Nobel de Médecine, et son équipe, dirigée par Giuseppe Legname, viennent de prouver (http://www.sciencemag.org/feature/data/prusiner/214.shl et http://news.bbc.co.uk/2/hi/health/3936519.stm) qu'une protéine est capable de transmettre une information et de s'autorépliquer sans avoir besoin du matériel génétique (ADN et ARN) d'un virus ou d'une bactérie.

Cette protéine, c'est le prion, à l'origine de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la vache folle et autres encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST). Depuis près d'un quart de siècle, le rôle du prion dans ces maladies est l'objet d'une vive controverse au sein de la communauté scientifique. Forme anormale d'une protéine ordinaire nommée Prp, la protéine prion est présent en grande quantité dans le cerveau des victimes de ces EST, dont le mode de transmission est atypique.

En effet, comme l'avait démontré dans les années 60 Carleton Gajdusek (Nobel en 1976), les encéphalopathies spongiformes héréditaires dues à une mutation génétique sont transmissibles, hors la lignée familiale, par injection de cerveau malade à cerveau sain. Le problème c'est qu'aucun virus ni bactérie n'a jamais été isolé chez les victimes d'EST. Quel est donc l'agent infectieux ? Cette nouvelle énigme de la biologie sera résolue par Prusiner qui propose, en 1984, sa théorie de la «protéine infectieuse», abrégée en «prion» la protéine Prp anormale transforme à son contact les Prp normales en anormales.

Cette découverte, qui vaut à Prusiner son Nobel en 1997, est capitale car elle remet en cause un dogme central de la biologie qui veut que seuls les virus et bactéries, faits d'acides nucléiques (ADN ou ARN), soient capables de transmettre une information. Pourtant un doute subsiste encore : les prions provenant des cerveaux malades transmettent la maladie mais il n'est pas impossible qu'ils abritent des virus non encore détectés. Il manque la preuve ultime de la théorie du prion : transmettre la maladie par des prions fabriqués en laboratoire, libres de toute contamination. Prusiner vient de la donner.

Le Dr. Prusiner et ses collègues a produit des fragments de protéine de prion et les a pliées dans de plus grandes structures de protéine appelées fibrilles amyloïdes. Ces prions synthétiques ont ensuite été injectés dans les cerveaux de souris qui ont commencé à montrer des symptômes de la maladie dans leurs systèmes nerveux centraux entre 380 et 660 jours après l'injection de ces protéines synthétiques de prion. Ce prion synthétique élaboré en Californie a provoqué la maladie chez toutes les souris injectées ce qui montre bien qu'une simple protéine peut être infectieuse.

Le co-responsable de cette découverte, Giuseppe Legname souligne que " Pour le première fois, nous avons montré de manière rigoureuse chez un mammifère que les prions se composent seulement de protéine." Le Professeur Moyra Bruce, responsable de l'institut pour la santé des animaux, considère également qu'il s'agit d'une découverte capitale. « Nous discutons depuis des années du rôle exact des prions et de leur vraie nature et nous cherchons à savoir s'il n'y a vraiment aucun matériel génétique impliqué dans la transmission de ces infections par prions.

Les derniers résultats de Prusiner confirment de manière très sérieuse qu'une simple protéine anormale peut véhiculer une information et déclencher une infection. Selon les chercheurs, leur découverte devrait permettre de comprendre comment la forme sporadique de CJD, responsable de 85% de cas de la maladie de prion chez l'homme, se développe spontanément.

Prusiner souligne que les chercheurs ont maintenant un outil pour explorer les mécanismes par lesquels une protéine peut spontanément se plier dans une forme qui entraîne la maladie. Dans le milieu de la recherche biologique on murmure déjà que cette dernière découverte de Prusiner pourrait lui valoir un autre Prix Nobel.Prusiner espère également qu'à terme ces découvertes permettront d'éclairer d'une lumière nouvelle d'autres maladies neurodégénératives, comme la maladie d'Alzheimer et de Parkinson.

Quoi qu'il en soit, Prusiner vient bel et bien de porter le coup de grâce au dogme central de la biologie faisant de l'ADN et de l'ARN le vecteur exclusif de l'information. Il vient également d'ouvrir un nouveau, immense et passionnant champ de recherche pour mieux comprendre et combattre l'ensemble des maladies infectieuses.

Dans le champ de la physique, un article publié le 18 août par une équipe autrichienne (voir article détaillé dans notre rubrique "Matière & Energie" a également fait grand bruit dans la communauté scientifique en validant de manière éclatante, et très concrète, les étranges propriétés de la matière au niveau quantique. Dans cette expérience les chercheurs autrichiens sont parvenus à transmettre instantanément les propriétés quantiques de plusieurs photons (leur polarisation notamment) sur une distance record de 800 mètres, d'une rive à l'autre du Danube. Conformément au principe d'intrication prévu par la mécanique quantique, cette expérience a démontré qu'il était possible de transmettre instantanément, et sur de grands distances, des informations spécifiques sur des particules issues d'une même source et qui restent à tout jamais corrélées. Défiant notre conception et notre perception du temps et de l'espace, cette expérience montre que, dans certaines conditions contrôlées, une action ou une mesure sur une particule entraîne instantanément et immanquablement une action prévisible sur une autre particule, même située à une très grands distance. Tout se passe comme si, dans ce monde de l'infiniment petit, la frontière entre matière, énergie, information espace et temps était abolie. Il est à présent certain que la maîtrise et l'utilisation de ces propriétés quantiques dans le domaine des télécommunications et de l'informatique, tout comme l'extension du concept d'information en biologie, provoqueront des révolutions scientifiques majeures d'ici 20 ans et ouvriront une nouvelle porte dans la compréhension globale de notre Univers.

René Trégouët

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