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Alzheimer : les nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé

La Haute Autorité de Santé vient de rendre publiques ses nouvelles préconisations concernant le diagnostic et la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des pathologies apparentées. La personnalisation du parcours de soin et la réévaluation régulière des options thérapeutiques constituent les principales évolutions de ces recommandations, reformulées en raison du retrait des précédentes.

  • Retrait préventif des recommandations en mai 2011

Les recommandations de bonne pratique sur la maladie d'Alzheimer, émises en 2008 par la Haute Autorité de Santé ont été retirées par l’agence le 20 mai 2011. Les raisons de ce retrait ? Le fait que 3 des experts n'avaient fait aucune déclaration d'éventuels conflits d’intérêt. De plus, plusieurs des experts du groupe de travail de la HAS ayant élaboré ces recommandations avaient eu affaire "avec des laboratoires fabriquant les médicaments mis en oeuvre dans les traitements préconisés par la recommandation attaquée (Eisai, Novartis, Janssen-cilag, Lundbeck, ...)", comme l'avait souligné le Formindep, association de professionnels de santé déjà à l’origine du retrait des recommandations Diabète en avril 2011.

La HAS s’est donc engagée à réévaluer les médicaments préconisés et à émettre de nouvelles recommandations via un groupe d’experts non liés à ces laboratoires.

  • Les médicaments réévalués : un "faible intérêt" médical

Le donépézil (Aricept ®, laboratoire Eisai), la galantamine (Reminyl ®, Janssen Cilag), la rivastigmine (Exelon ®, Novartis) et la mémantine (Ebixa ®, Lundbeck) sont disponibles en France depuis une douzaine d’années. Entre juillet et octobre 2011, la Commission de la Transparence (CT), qui fait partie de la HAS et est composée de 26 professionnels de santé en exercice, a passé en revue toutes les études existantes avec ces médicaments. Elle a aussi analysé les pratiques en France, en Europe et aux Etats-Unis, interrogé des experts de différents horizons et indépendants (médecins généralistes, neurologues, gériatres, médecins travaillant en EHPAD….) puis écouté les arguments des 4 laboratoires. Résultat, l'efficacité de ces 4 produits est au mieux "faible" et non "importante". Cette petite efficacité ne se retrouve malheureusement pas chez tous les patients. De plus, ils présentent des risques d’interactions médicamenteuses et de possibles effets indésirables. La CT a donc abaissé leur service médical rendu à "faible", ouvrant la voie à une limitation de leur prescription. Une volonté de limitation confirmée par les nouvelles recommandations.

  • Un nouveau groupe de travail

Depuis septembre 2011, un nouveau groupe de travail composé de professionnels de spécialités et de pratiques différentes (médecins généralistes, neurologues, gériatres, psychiatres, infirmiers, etc.), ainsi que de l’association France Alzheimer, s’est donc réuni afin d’actualiser la recommandation publiée en mars 2008. Cette actualisation "tient compte des évolutions récentes autour de la prise en charge de la maladie", notamment les modifications évoquées ci-dessus sur les médicaments. Elle inclue également une définition du parcours de soins.

  • Le médecin généraliste, pilote du parcours de soins

Le médecin généraliste traitant est le pilote de l’organisation des soins centrée sur le patient. Il réalise l’évaluation initiale du patient présentant des troubles de la mémoire. Dans les cas où cette évaluation ne révèle pas d’altération des facultés de mémoire, de jugement, de compréhension, etc., la HAS recommande d'en réaliser une autre 6 mois à 12 mois plus tard.

En revanche, si une altération est avérée, le binôme médecin généraliste traitant/ spécialiste réalise les tests et examens nécessaires. Le médecin spécialiste pose le diagnostic de la maladie d’Alzheimer et l’annonce au patient. C’est ensuite le médecin généraliste traitant qui, après avoir échangé avec le patient et son entourage sur la bonne compréhension des enjeux du diagnostic, leur propose un plan de soin et d’aides. Assisté d’un professionnel formé (infirmière coordonnatrice de réseau de santé par exemple), le médecin généraliste traitant se chargera de mettre en œuvre les mesures d’accompagnement en lien étroit avec les aidants naturels, etc. Le médecin généraliste est donc au centre de la prise en charge de ces patients souvent difficiles.

  • Limiter la prescription des médicaments

Il n’y a pas pour le moment de traitement bloquant efficacement et durablement la progression de la maladie. Les médicaments disponibles, comme constaté par la Commission de la Transparence, ne sont que légèrement utiles, et seulement dans certains cas. En conséquence, la HAS précise désormais que le "traitement médicamenteux spécifique est une option dont l’instauration ou le renouvellement est laissé à l’appréciation du médecin prescripteur". Par ailleurs l’agence conseille de revoir le patient au bout d’un mois pour "une évaluation de la tolérance et un ajustement de la posologie". Elle préconise également qu’au-delà d’un an, il y ait une concertation pluri-professionnelle avec le patient (si son état le permet), son aidant, le médecin généraliste traitant, le gériatre et le neurologue ou le psychiatre afin de "réviser la prescription et vérifier l’intérêt pour le patient de poursuivre le traitement et ce, afin d’assurer un suivi de qualité et personnalisé". Donc en gros, si ces médicaments spécifiques (différents des médicaments et autres traitements non médicamenteux symptomatiques) ne marchent pas ou sont trop mal tolérés, il faudra les arrêter.

Enfin la HAS déconseille la prescription  des médicaments ou compléments suivants : le piribédil, les antioxydants (dont la vitamine E), la sélégiline, les extraits de ginkgo biloba, les nootropes (médicaments psychostimulants comme les amphétamines) , les anti-inflammatoires, les hormones (dont la DHEA et les oestrogènes), les hypocholestérolémiants (dont les statines) et les omégas 3.

  • L’importance des thérapies non médicamenteuses

Outre ces précisions sur les traitements, la HAS insiste sur la conduite à tenir devant des troubles de la mémoire ou une maladie d’Alzheimer et sur la mise ne place de la prise en charge et du suivi. Parmi les éléments de cette prise en charge, l’agence précise la place importante de différentes interventions non médicamenteuses : aides à domicile, nombre de soignants suffisant en institution, accompagnement psychologique dès l’annonce de la maladie (mais aussi après), soutien psychologique de la famille ou encore prise en charge orthophonique éventuelle pour maintenir la communication verbale avec le patient. La stimulation cognitive, qui consiste à mettre en situation le patient ou simuler des situations vécues (trajets, téléphone, toilettes…) peut également être proposée afin de "ralentir la perte d’autonomie dans les activités de la vie quotidienne". Cette stimulation peut être débutée par les psychologues, ergothérapeutes, psychomotriciens ou orthophonistes et être prolongée par les aidants, à domicile ou en institution.

L’agence rappelle également l’effet positif possible de l’exercice physique, "notamment la marche" (kinésithérapeutes, psychomotriciens, ergothérapeutes), à la fois pour prévenir le risque de chutes mais aussi pour stimuler les fonctions cognitives et aptitudes fonctionnelles, comportementales.

Enfin d’autres interventions non médicamenteuses "pourraient améliorer certains aspects du comportement" (dépression, angoisse, douleurs, etc.) : musicothérapie, aromathérapie, stimulation multisensorielle, Reality Orientation (activités centrées sur l’orientation dans la vie réelle : heure du déjeuner, temps qu’il fait, etc.), reminiscence therapy (rappel oral ou d’une autre manière d’événements passés), thérapie assistée d’animaux (voire de robots, comme Paro ?), massages, thérapie de présence simulée (vidéo familiale) ou luminothérapie.

  • Aider les aidants

Les aidants, familiaux et professionnels, sont exposés à de nombreuses difficultés pour gérer cette pathologie. Aussi la HAS recommandent qu’ils soient formés, mais aussi soutenus, accompagnés psychologiquement, par exemple via "les associations de familles, les MAIA (Mission d’Accueil et d’Information des Associations), les ESA (Equipe Spécialisée Alzheimer), les CLIC (Centre Local d'Information et de Coordination Gérontologique), les accueils de jour, les réseaux, les plates-formes de répit, etc.".

  • Un suivi standardisé

La HAS recommande qu’il y ait au moins 1 fois par an une réévaluation des besoins des patients (clinique, état nutritionnel, maladies associées, état cognitif, autonomie, etc.), de leurs aidants (fatigue, épuisement et souffrances éventuels, état de santé, "trop souvent négligé"), de leur environnement  (personnel, social, juridique) et des solutions mises en place, médicamenteuses ou non.

Ces nouvelles recommandations comportent de nombreuses autres indications et précisions pour les professionnels de santé, vous pouvez les découvrir dans leur intégralité en téléchargeant le fichier sur le site de la HAS (PDF de 48 pages).

En conclusion, le travail de la HAS sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, certes effectué suite à l’affaire Mediator et aux pressions judiciaires du Formindep,  semble davantage en adéquation avec la réalité du terrain : oui les médicaments peuvent parfois servir, mais ils ne sont qu’un maillon d’une prise en charge globale, de mieux en mieux codifiée, de plus en plus personnalisée et pour laquelle les professionnels sont de mieux en mieux formés. En attendant la mise au point, tant attendue, d’un traitement enfin réellement efficace sur cette terrible maladie...

Doctissimo

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