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Edito : Accès au haut débit : l'avenir passe par la combinaison intelligente et pragmatique des technologies

A l'occasion du CIAT du 14 septembre, le gouvernement a réaffirmé son objectif de permettre l'accès dans toutes les communes de France à l'Internet haut débit à l'horizon 2007 et d'offrir un accès à internet pour 96 % de la population française à la fin 2005.(voir dossier CIAT du 14-09-2004 ([CIAT->http://www.premier-ministre.gouv.fr/ressources/fichiers/dp_CIADT_140904.rtf]) et article du JDNet ([JDNet->http://www.journaldunet.com/0409/040907tactis.shtml]). Selon France Télécom, 90% de la population française est connectable en haut-débit aujourd'hui. Un chiffre qui concerne essentiellement l'ADSL, la technologie d'accès la plus répandue dans l'Hexagone Selon France Télécom, un tel chiffre, qui devrait passer à 96 % à la fin de 2005, place la France dans le peloton de tête européen, voire mondial. Mais pour de nombreux observateurs, le taux de couverture réel serait plus proche de 70 %. En effet, si neuf lignes sur dix sont « raccordées » à un équipement ADSL, elles ne sont  pas pour autant toutes capables de délivrer l'ADSL aux abonnés. C'est pourquoi les zones résidentielles, couvertes partiellement ou non par l'ADSL, se tournent de plus en plus vers des solutions couplant Wi Fi et satellite bi-directionnel pour accéder à l'Internet haut débit.

Il est vrai que cette technologie est séduisante car elle permet la desserte de petits groupes d'utilisateurs sur un territoire non équipé en infrastructures filaires. Ici, tout transite par le satellite qui fournit la liaison haut débit partagée entre les utilisateurs situés à proximité des bornes Wi-Fi qui servent de relais. Fort de ce constat, France Télécom mise sur cette solution afin de remplir ses engagements dans le cadre de son programme "le Haut Débit pour tous".(voir dossier du JDNet, [http://www.journaldunet.com/dossiers/alternatif/->http://www.journaldunet.com/dossiers/alternatif/]).

L'opérateur historique a ainsi lancé une série d'expérimentations qu'il a entièrement financées, sur neuf sites (La Cavalerie, Méaudre, Neulise, Moustier Ste-Marie, Vernou-en-Sologne, Saint-Mamet, Estables, Romagne et Champagné-St-Hilaire), afin de tester cette technologie et d'en "finaliser le domaine d'emploi". Le résultat est une offre baptisée "PackSurf Wi-Fi", qui sortira en octobre 2004. En attendant, France Télécom répond aux appels d'offres des collectivités par des solutions sur mesure. Le Conseil général de l'Allier et la commune du Montet, 500 habitants, n'ont pas, pour leur part, attendu l'opérateur français pour disposer du haut débit. Cette initiative, lancée en 2003, a été portée par le Conseil général en partenariat avec la commune. Celui-ci a monté un projet conforme au protocole de l'ART, pris en charge le coût de l'infrastructure (20.000 euros) à 50 %, et fait financer le reste à 25 % par le FEDER (Fonds européen de développement régional) et 25 % par le FNADT (Fonds national d'aménagement et de développement du territoire). Enfin, c'est la société Equal qui a fourni la connexion à haut débit, tandis que l'installation a été réalisée par la société Ineo Infracom. Le premier objectif de ce chef-lieu de canton, le plus petit de France, était de valider la faisabilité technique de la formule.

Selon Patrice Lamy, chef de projet à l'aménagement numérique du territoire au niveau du département : "Cela fonctionne bien, mises à part quelques micro-coupures." Le débit atteint 1024 kb/s en montant, et 128 kb/s en descendant. Le deuxième objectif était de mesurer la reproductibilité du modèle. Sur ce point, Patrice Lamy exprime clairement ses réserves. "On ne peut pas reproduire cette expérimentation. Premièrement en raison de son coût : pour monter une antenne, l'investissement est de 15.000 à 20.000 euros. Deuxièmement, pour des raisons géographiques : il suffit d'être derrière un mur ou un rideau boisé pour être non éligible. Enfin, le fait que le débit soit mutualisé entraîne des risques de monopolisation de la bande passante par quelques utilisateurs non respectueux de leurs voisins." C'est pourquoi, à la fin de son contrat qui arrive a échéance à la fin du mois d'octobre 2004, Le Montet a décidé d'opter pour l'ADSL de France Télécom. Alors que 10 abonnés étaient concernés par l'expérimentation satellite (leur nombre avait été volontairement limité), 10 % de la population s'est déjà raccordée à l'ADSL pour le même prix, à savoir 30 euros par mois. Le bilan de France Télécom est sensiblement différent. Alors qu'il équipait une trentaine d'utilisateurs par commune en moyenne, dont 60 % de particuliers et 40 % d'entreprises, l'opérateur a mieux géré la problématique de partage de la bande passante car il a pu réaliser les investissements nécessaires.

"Pour la gestion des heavy users, qui utilisent le peer to peer, il a fallu mettre en place des mécanismes de priorisation des flux afin d'assurer l'équité au niveau du village", explique Jean-Pierre Savi, responsable du pôle marketing produit pour les collectivités locales chez France Télécom. A grande échelle, France Télécom envisage par ailleurs de devenir multi-technologies. Même son de cloche au conseil général de l'Allier qui doit annoncer en septembre le nom du délégataire retenu pour aménager le département. "Il sera multi-technologies", affirme Patrice Lamy. Si, à la fin de la période d'expérimentation dans l'Allier, conclue pour un an renouvelable six mois, l'ADSL n'est toujours pas disponible dans la commune, France Télécom maintiendra son service en réexaminant les conditions financières. A l'heure actuelle, quand l'opérateur répond à un appel d'offres, l'investissement pour la collectivité locale est compris entre 15.000 et 40.000 euros. Il semble toutefois que le couplage satellite Wi-Fi ne soit pas la panacée. "Nous travaillons aussi sur le Wimax, qui offre plus de couverture et un meilleur débit que le Wi-Fi", déclare Jean-Pierre Savi. Le Wi-Fi vient toutefois de combler une importante lacune en matière de sécurité puisque la Wi-Fi Alliance vient de certifier les premiers produits Wi-Fi qui intègrent la norme 802.11i de l'IEEE.

Mais, à partir de 2005, le Wi-Fi devrait être sérieusement concurrencé par une autre technologie l'UWB (Ultrawideband). En cours de normalisation, l'UWB permet la transmission à très haut débit de données par les ondes radio et devrait d'ici la fin de l'année, intégrée à de nombreux appareils électroniques. Telle est en tout cas l'ambition de Freescale Semiconductor, filiale de Motorola (Illinois). Les essais de cette société avec l'UWB lui ont permis d'atteindre des débits de l'ordre de 110 Mégabits /sec, une performance bien supérieure aux autres types de communications  sans fil actuellement sur le marché (100 fois plus que le Bluetooth et le double du WiFi). En outre, si la portée UWB demeure faible (environ une quinzaine de mètres), le WiMax présent le grand avantage de traverser sans difficultés murs et obstacles physiques, ce qui n'est pas le cas du Wi-Fi. Le WiMax quant à lui est une technologie hertzienne, qui comme le Wi-Fi utilise la boucle locale radio (BLR) mais son débit est bien supérieur, de même que la portée de ses antennes. Des utilisateurs situés derrière un rideau d'arbres, par exemple, ou hors de la ligne de vue de l'antenne, peuvent donc se connecter. Par ailleurs, les fréquences utilisées ne sont pas les mêmes : 2,4 GHz pour le Wi-Fi, 5,86 GHz (sans licence), 2,5 GHz et 3,5 GHz (avec licence) pour le WiMax. Enfin, côté performances, une station de base permet d'émettre et de recevoir dans un rayon de 20 à 30 Km en ligne de vue, et de 6 à 10 Km hors ligne de vue, selon Rémy Prin. Quant au débit, il atteint environ 12 Mb/s. Le WiMax a actuellement le vent en poupe et pourrait bien constituer le chaînon manquant entre Wi-Fi, d'une part, et ADSL et câble, d'autre part.

Intel ne s'y est d'ailleurs pas trompé et vient de dévoiler sa première puce à large bande sans fil pour produits WiMAX. Ce nouveau composant sans fil est le premier qui supporte le standard 802.16-2004, un standard qui s'impose de plus en plus et qui offre une connectivité à large bande à des vitesses équivalentes à celles de l'ADSL, sur de plus grandes distances (jusqu'à 50 kilomètres). Dans le cadre du programme Territoire numérique expérimental, le Pays des Vals de Saintonge (Charente-Maritime), met en oeuvre un projet visant à développer un réseau sans fil avec cette technologie émergente : le WiMax. Les stations de base, d'une portée de 9 Km, communiqueront avec des antennes clients qui "arroseront" chacune entre 20 et 30 abonnés. Dans un premier temps, l'expérimentation sera limitée à 35 équipements clients, soit environ 120 postes utilisateurs, dont une majorité de PME. Une station de base équipée représente un investissement de 15.000 à 50.000 euros. Quant à l'équipement client, son prix varie entre 500 et 1.000 euros. Au total, l'expérimentation, prévue pour durer 6 à 8 mois, est dotée d'un budget de 150.000 euros, financé à 50 % par des fonds européens, à 25 % par la région et l'Etat, et à 25 % par le Pays. Le déploiement, prévu à l'horizon 2006, devrait requérir 6 à 7 stations de base.

Mais une autre technologie prometteuse pourrait bien venir brouiller encore un peu plus les cartes en matière d'accès au haut débit, les courants porteurs en ligne ou CPL (voir article du JDNet ([journaldunet->http://www.journaldunet.com/0409/040910etudecpl.shtml]).

C'est cette technologie qui est actuellement expérimentée pour amener l'Internet à haut-débit sur le plateau du Vercors qui regroupe dix mille habitants. Un projet d'expérimentation auprès de la population a démarré courant octobre 2003 à Autrans et Lans-en-Vercors, en partenariat avec EDF, Eutelsat et Infosat. Dans ces deux communes deux paraboles pointées vers le satellite Atlantic Bird2 d'Eutelsat fournissent chacune une bande passante de 2 Mbit/s descendants et de 512 Kbit/s montants. L'antenne est connectée à un poste électrique de moyenne tension par un boîtier de raccordement satellite et par un modem CPL, qui injecte les données dans le réseau électrique. Chaque abonné bénéficie d'un débit maximum de 512 Kbit/s dans le sens descendant, et de 128 Kbit/s dans le sens montant. {« L'aspect asymétrique n'est pas lié au CPL mais au satellite"}, souligne Nicolas Guichard, responsable de ce projet. Les limites se situent aussi au niveau de l'infrastructure électrique.

Le CPL fonctionne mieux sur les lignes enterrées que sur les lignes aériennes, qui sont nombreuses dans le Vercors. De plus, toutes les habitations ne sont pas accessibles. {« Pour remédier à l'affaiblissement du signal, nous avons, par endroits, placé des amplificateurs »}, mentionne Nicolas Guichard. Les abonnés en phase de test résident dans le centre-ville, dans un rayon de cinquante mètres du transformateur EDF. L'expérimentation se poursuit en attendant la phase de commercialisation qu'Infosat devrait mener. EDF, Eutelsat et Infosat envisagent d'ouvrir des services dans les communes regroupant au moins trente abonnés. {« Si tout se déroule comme prévu, la commercialisation devrait commencer avant la fin 2004. Elle inclura peut-être des services supplémentaires, comme la voix sur IP. Les tarifs n'ont pas été fixés, mais les premières estimations se situent autour de 35 euros par mois »}, ajoute Nicolas Guichard.  Le potentiel commercial du CPL semble réel en France. Outre les zones rurales non couvertes par l'ADSL qui représenteraient un marché de 14,4 millions de personnes en France, entre 10 et 15 % de la population résidant en zone urbaine, en l'occurrence les usagers situés loin des répartiteurs, serait une cible potentielle du CPL. Derniers éléments favorables au déploiement du CPL, dans l'Hexagone, la politique actuelle d'aménagement du territoire et le fait que les collectivités sont propriétaires du réseau basse et moyenne tension.

Ces différents projets et expérimentations en cours montrent que l'aménagement numérique du territoire et l'accès au haut débit pour tous passent non seulement par de nouvelles formes de partenariats entre partenaires publics et privés, Etat et collectivités locales, mais aussi par la mise en œuvre de solutions technologiques évolutives et formatées aux besoins spécifiques locaux. L'arrivée prochaine de l'ADSL2+, va permettre des débits allant jusqu'à 16 mb/s en descendant et 1 mb/s en ascendant. Un débit suffisant pour proposer aux particuliers en milieu urbain des offres globales comprenant l'internet haut débit, le téléphone sur IP et la télévision numérique via le Net.  Mais en dehors des zones urbaines, l'accès au très haut débit pour les entreprises et les foyers, intégrant l'internet le téléphone sur IP et la télévision numérique, passera obligatoirement par des combinaisons technologiques  intelligentes et évolutives, associant le câble, l'ADSL, la BLR (Wi Fi, UWB et WiMax), les CPL et le satellite.

L'utilisateur, de plus en plus mobile, qu'il utilise son mobile, son assistant numérique, son smartphone ou son ordinateur portable, voudra pouvoir accéder à l'internet haut débit partout, en tout lieu, et surtout de manière totalement transparente du point de vue des technologies utilisées. Demain, lorsque nous accèderons au Net sur notre smartphone, que se soit pour lire nos courriels ou regarder une programme TV, ou surfer sur le Web, nous passerons, sans même nous en apercevoir, du Wi-Fi à l'UMTS, en passant par le bluetooth, le WiMax, l'UWB et sans doute d'autres technologies encore à venir. Dans ce contexte, la valeur ajoutée passera des réseaux et terminaux physiques aux logiciels qui devront gérer ces combinaisons technologiques complexes et aux services personnalisés « sur mesure », incluant le multimédia et la vidéo, auxquels nous pourrons enfin accéder en toutes circonstances. On peut déplorer la complexité et la diversité croissantes des solutions technologiques permettant l'accès à l'internet à très haut débit mais il s'agit du prix inévitable à payer pour répondre de manière rapide, adaptée, et au meilleur coût, à l'explosion quantitative et qualitative des demandes et besoins individuels et collectifs en matière numérique.

René Trégouët

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